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C’est un de ces samedis où l’on sort sonné du cinéma. Il fait beau dehors et les gens, insouciants, se pressent place Grenette et aux terrasses des bistrots comme si tout était normal et allait pour le mieux. Comme s’ils ne savaient pas. Ne savent-ils pas ? Est-il possible qu’ils ne sachent pas ? Qu’ils puissent rire, s’amuser et faire comme s’ils ne savaient pas ? Comme si de rien n’était ?
On cligne des yeux au jour, on flotte, on marche au ralenti, comme déphasé entre deux réalités parallèles. Peu s’en faut que l’on vacille. Comme si l’on portait seul un secret terrifiant pour l’espèce humaine – et pourtant l’on n’était pas seul dans la salle obscure – même si un silence absolu murait peu à peu les spectateurs dans un sombre deuil. Ils sortaient du cinéma comme on est sorti quelques fois, depuis, du funérarium. Après que le cercueil ait glissé dans le four sur fond de musique religieuse.

Le film, c’était Soleil Vert, vu un samedi de 1974, à Grenoble, et ce n’était pas de la fiction, bordel, mais un documentaire. L’effroyable résumé de deux siècles de révolution industrielle jusqu’à aujourd’hui, 2022. Il fallait bien qu’on arrive un jour en 2022, comme on est arrivé en 1984, mais fallait-il qu’on y arrive à peu près dans les conditions prévues, si longtemps à l’avance par les œuvres de l’esprit ?
La jérémiade, les lamentations du prophète Jérémie, ne sert-elle pas justement à avertir le peuple, afin de prévenir la réalisation de sa « prophétie de malheur » ? Quitte à grossir le trait à l’intention des malvoyants comme le recommande Anders – mais on sait qu’il n’y a pire aveugle que les adeptes de la cécité volontaire, ceux qui ne veulent pas voir.
Depuis 1967 (la « marée noire » du Torrey Canyon), et plus encore depuis l’été 1971 (le rassemblement antinucléaire de « Bugey Cobaye »), l’on était pourtant en pleine jérémiade écologiste, sans que 50 ans de plaintes et de contestations n’aient produit autre chose que des bureaucraties « vertes », de nouvelles carrières socio-politiques, de « nouvelles thématiques » pour les politiciens en campagne - et quelques cinglés solitaires hurlant à la mort. Tel Philip K. Dick, l’un de ces extra-lucides pétris de culture biblique, qui avaient tout vu, tout dit, du fond de son désespoir.

« Ecoutez donc ceci, peuple borné et sans cervelle : ils ont des yeux et ils ne voient pas. Ils ont des oreilles et ils n’entendent pas. » (Jérémie, ch. 5, v. 21)

« Voici pourquoi je leur parle en paraboles : parce qu’ils regardent sans regarder et qu’ils entendent sans entendre ni comprendre ; et pour eux s’accomplit la prophétie d’Esaïe qui dit : « Vous aurez beau entendre, vous ne comprendrez pas ;
Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas.
Car le cœur de ce peuple s’est épaissi,
Ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux, pour ne pas voir de leurs yeux, ne pas entendre de leurs oreilles,
Ne pas comprendre avec leur cœur,
Et pour ne pas se convertir.
Et je les aurais guéris ! » » (Matthieu, ch. 13, v. 13-15)

Ecoutez bande d’abrutis connectés, décervelés, possédés et dépossédés. Vous trouvez cela « moraliste », « maladroit » (« contre-productif »), « péremptoire », etc. ?
Vous ne voulez pas qu’« on vous prenne la tête » ? Qu’on vous « agresse » ? Qu’on vous gâche votre joie de vivre et votre belle jeunesse avec toute cette « éco-anxiété » ?
Vous ne voulez pas voir ce que quelques boumeurs ont vu et dénoncé depuis 50 ans, à s’en casser la voix (et un peu la vie), eh bien mes petits Camille, allez vite vous reclure dans vos capsules de métavers, cela fera un peu de place pour les autres in real life.

En sortant du cinéma, on ignorait que Soleil Vert était l’œuvre de Richard Fleisher (1906-2006), d’après un roman de Harry Harrisson (1925-2012) et on s’en est moqué des années durant - l’esprit souffle où il veut.

Quant à Philip K. Dick, le film Blade Runner de Ridley Scott, avait enfin répandu ses visions et ses prévisions, juste avant qu’il ne meure, en 1982. Ce prophète bourré de psychotropes ne sut jamais qu’il était devenu un auteur mondialement reconnu et la machine à fric de l’industrie du cinéma. Mais Renaud Garcia nous raconte tout cela, ci-dessous, ce qui nous évitera d’aller fouiner sur Wikipedia.

Pour lire les notices, ouvrir le document ci-dessous.

Lire aussi  :
 George Byron et Mary Shelley - Notre Bibliothèque Verte n°41 & 42
 Vladimir Arseniev et Georges Condominas - Notre Bibliothèque Verte n°43 & 44
 Pierre de Ronsard & William Blake - Notre Bibliothèque Verte n°45 & 46