Pièces et main d’oeuvre

Grenoble, le 18 janvier 2012

Communiqué

D’abord prévue en août, puis septembre 2011, l’inauguration officielle de Clinatec est annoncée le 31 janvier 2012. D’après Les Echos (1), l’événement aurait les honneurs d’une visite présidentielle. Nicolas Sarkozy ne peut manquer une telle occasion de réaffirmer son soutien à l’innovation et au progrès, et son combat contre les « peurs moyenâgeuses » et les « procès en sorcellerie »(2) . En quoi il rejoint totalement, et sur la question centrale de notre époque, les élus et partisans de la gauche sociale-technocrate. On voit qu’on se proclame bien à tort « dans l’opposition » et qu’on en appelle « au changement » pour la vitrine, quand on partage les mêmes ambitions sur la fuite en avant technologique. Aussi bien Michel Destot, maire PS-CEA de Grenoble et strauss-kahnien reconverti, accueillera-t-il le cas échéant avec son habituelle fierté technopolitaine le président de la République, pour saluer de concert les travaux des nanotechnologues et neurotechnologues qu’ils ont, à la demande de ceux-ci, financés et soutenus sans discussion. Ainsi va le progrès.

Rappelons que la décision de créer Clinatec, clinique expérimentale destinée à « nous mettre des nanos dans le cerveau », a été prise par Jean Therme, directeur du Commissariat à l’énergie atomique Grenoble / Minatec, Alim-Louis Benabid, neurochirurgien grenoblois, et deux hauts responsables nationaux du CEA, lors d’une discrète réunion le 2 juin 2006, jour de l’inauguration de Minatec, dans une ville bouclée par les CRS. Scène fondatrice symbolique de l’opacité avec laquelle se prennent les décisions techno-industrielles qui, promettent les ingénieurs, « vont révolutionner nos vies ». A Grenoble comme ailleurs, les chercheurs révolutionnent nos vies, puis informent la population des innovations auxquelles elle est priée de s’adapter.

Ainsi le professeur Benabid tenait-il réunion publique, le 17 janvier 2012, à l’invitation du Groupe Progrès Solidarité du Grésivaudan – « ancré à gauche », précisait une responsable en ouverture – pour exposer les bienfaits de ses trouvailles.

On a depuis longtemps détaillé les promesses des nano-neurotechnologies, et on ne peut que renvoyer à la lecture de « L’industrie de la contrainte » (Pièces et main d’œuvre et Frédéric Gaillard, éditions l’Echappée, 2011) pour se faire une idée des avancées de l’homme-machine et du monde-machine.

On rapportera simplement ici quelques déclarations de M. Benabid lors de cette soirée promotionnelle, devant un public conquis d’avance, puisqu’aux trois-quarts fait de collègues et amis du conférencier :
« Avec les électrodes et les implants cérébraux, on peut changer la personnalité de quelqu’un qui était anormal, pour le remettre dans la normalité. On peut faire passer les gens d’un état suicidaire à un état jovial. Faut-il en conclure qu’on peut manipuler les gens et les faire marcher au pas cadencé ? Certes, mais on les fait tellement marcher au pas cadencé par d’autres moyens ». (Rires dans la salle).

« Clinatec a été difficile à monter car de nombreux règlements s’imposent, pour lesquels il a fallu demander des dérogations. » Lesquelles, et pourquoi, on l’ignore.

Interpellé sur son silence quant aux causes environnementales de plus en plus documentées (3) de l’épidémie de maladies neurologiques (pesticides, mercure, métaux lourds, etc) - alors qu’il pourrait, en sa qualité de haute autorité médicale, demander des mesures d’interdiction des neurotoxiques - le professeur Benabid se défend : « Aller voir les pouvoirs publics, je ne sais pas bien faire ». On en rirait s’il ne s’agissait de santé publique, de milliers de malades de Parkinson, d’Alzheimer, de scléroses, d’autisme. Benabid fut collistier de Michel Destot aux dernières municipales et président du comité de soutien de la députée PS Geneviève Fioraso, également présidente de la SEM Minatec. Pour ne parler que des élus locaux.

Chacun verra, le 31 janvier prochain, à quel point le professeur Benabid a peu l’occasion de s’entretenir avec « les pouvoirs publics ». A condition bien sûr de passer la barrière de CRS qui ne manquera pas d’accompagner l’inauguration de Clinatec.

Notes

 (1) 08/12/11
 (2) Voir son discours au Tricastin, le 25/11/11
 (3) Voir notamment « Menace sur nos neurones » (M. Grosman, R. Lenglet, Actes Sud, 2011)

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