Visite de quartiers grenoblois avec Jean-Pierre Garnier

18, 19 et 20 août 2010

Le 15 septembre 2010, la mairie de Grenoble et les commerçants du centre ville inaugurent "La Caserne de Bonne" - nouveau quartier édifié pour les ingénieurs et cadres à hauts revenus - à peine troublés par les "événements" de la Villeneuve et le malaise de ses habitants. De l’autre côté de la ville, Saint-Bruno, ex-quartier populaire bigarré cède à l’"europolisation" et au prestige des résidences à visiophone, refoulant les plus pauvres à la périphérie de la ville.

Comment la ségrégation sociale se traduit-elle dans les politiques d’urbanisme ? Comment la ville confine-t-elle les pauvres à l’écart de la vitrine du centre ? Qu’est-ce que l’architecture sécuritaire ? En quoi le bâti influence-t-il la vie des gens ?

Les 18, 19 et 20 août prochains nous vous invitons à une visite de plusieurs quartiers grenoblois en compagnie de Jean-Pierre Garnier.

Pré-programme : chaque jour un quartier

 Mercredi 18 et vendredi 20 : RV sur place à 10 heures précises. Visite de deux heures environ.
Midi : chacun amène son pique-nique, pour un repas commun aux Bas-Côtés (59 rue Nicolas Chorier). Jusqu’à 16 h : atelier discussion aux Bas-Côtés.

 Jeudi 19 : RV aux Bas-Côtés à 10 heures pour atelier discussion. Pïque-nique à midi.
Visite à 14h.

Merci de vous inscrire avant le 17 août par mail à contact.pmo(at)free.fr (nombre de places limité).
Nous vous enverrons les lieux de rendez-vous précis.

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Jean-Pierre Garnier

Chercheur et enseignant en sociologie urbaine, Jean-Pierre Garnier est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la politique urbaine (Des barbares dans la cité, Flammarion, 1997 ; Le Nouvel Ordre local, L’Harmattan, 2000) et L’involution politico-idéologique de l’intelligentsia de gauche française (La Pensée aveugle, avec Louis Janover, Spengler, 1995).

Son dernier livre, Une violence éminemment contemporaine - Essais sur la ville, la petite-bourgeoisie intellectuelle et l’effacement des classes populaires (Editions Agone, mars 2010), est une synthèse de quarante ans d’observation des réalités urbaines et d’analyse critique des discours dont elles font l’objet. D’un côté, des espaces "requalifiés" réservés aux gens de qualité, et de l’autre des couches populaires reléguées à la périphérie. "Violences urbaines", "crise du logement", "relégation" et "gentrification" sont autant de symptômes dont le "traitement" étatique se fait de plus en plus sécuritaire.

Extrait d’un entretien de Jean-Pierre Garnier avec Article 11 (6/07/10), sur www.article11.info

"Dans toute société de classes, appartenir à la classe dominée implique d’être dépossédé du « droit à la ville ». À savoir de l’accès à la centralité urbaine et à ce qui va avec : l’animation, la diversité et la culture, ce qui fait la richesse de la vie urbaine. Cette privation va de pair avec une ségrégation socio-spatiale. (…)
Ce processus d’éviction/colonisation s’appuyait sur l’apparition et le développement d’une nouvelle couche sociale, dont la bourgeoisie avait besoin pour asseoir et refonder son hégémonie : la petite bourgeoisie intellectuelle. Celle-ci avait et a pour fonction d’assurer la médiation entre les tâches de direction (réservées à la bourgeoisie – d’État ou privée) et les tâches d’exécutions (qui incombent au prolétariat), pour garantir la reproduction des rapports de production capitalistes. Effectuant des tâches de conception, d’organisation, de contrôle et d’inculcation, cette petite bourgeoisie intellectuelle est aujourd’hui largement inféodée à l’ordre établi et aux classes dominantes : elle joue le rôle de classe-appui, ou classe-relais."

Extrait d’un entretien de Jean-Pierre Garnier avec L’Humanité (2002)

"La division sociale s’ajoute la division spatiale. Même si cette ségrégation urbaine n’est pas totalement nouvelle. Ainsi, sous Haussmann, on avait les bourgeois aux premiers étages et les bonnes aux derniers. La ségrégation était alors verticale. Néanmoins, on a vu un renforcement de ce nouvel "apartheid urbain " au début des années quatre-vingt-dix avec l’abandon de la politique de la ville qui était censée atténuer les effets du libéralisme. Jusque-là, on essayait de désenclaver les banlieues et de réintégrer les exclus. Et puis on a accepté l’échec de cette politique. Qui s’est matérialisé dans l’espace.

On appelle cela " l’architecture de prévention situationnelle ", un aménagement des lieux et de l’espace pour empêcher la survenance des faits délictueux et en faciliter la répression. Derrière des opérations de "réhabilitation" et de "requalification urbaine", on va obturer les coursives et les allées. Il y a aussi le réaménagement des loges de gardien, au deuxième étage pour être hors de portée des délinquants et en saillie d’immeuble pour pouvoir mieux surveiller l’environnement. On évite aussi de construire des toits en terrasse car ce sont des " repères à dealers " et des postes d’observation, voire d’offensive. Le tracé des voies de circulation est aussi redessiné pour faciliter les patrouilles de police voire permettre l’intervention de blindés ! Le dernier ersatz, c’est la "résidentialisation des HLM" : une privatisation de l’espace public par le morcellement de l’espace public et l’attribution de ces parcelles à un immeuble voire à une cage d’escalier."

Lire aussi "Rationaliser le contrôle social : entre technologisation et responsabilisation".