Conférence-Débat organisée par Pièces et Main d’œuvre,
le vendredi 27 mars à 19h30 à la Maison des Associations,
avec Mathieu Rigouste, auteur de "L’Ennemi intérieur – La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine" (La Découverte, février 2009)

De "Vigipirate" à la "culture de la sécurité", l’Etat français déploie depuis les années 1970 un arsenal techno-sécuritaire censé protéger la population des "nouvelles menaces" surgies en son sein – islamisme, immigration clandestine, terrorisme, violences urbaines, etc. On ignore le plus souvent que cette fabrique de nouveaux "ennemis intérieurs" reconduit l’histoire coloniale et militaire française, et en particulier la "doctrine de la guerre révolutionnaire" conçue par l’armée française durant les guerres d’Indochine et d’Algérie.

L’enquête de Mathieu Rigouste, notamment appuyée sur les archives de l’Ecole Militaire, retrace la généalogie de ces nouveaux boucs émissaires, des territoires colonisés d’hier aux quartiers populaires d’aujourd’hui. Découvrons, entre autres, comment en Indochine l’armée française s’est convertie en parti armé et a transformé ses soldats en partisans. Comment ses officiers ont théorisé l’"Organisation Politico-Administrative", les "hiérarchies parallèles", les "cinq phases", avec déjà le recours aux renseignements, tortures, contre-maquis, commandos mobiles. Comment Lacheroy, Trinquier, Massu, Bigeard, Aussaresses et compagnie ont reconduit la stratégie de la guerre révolutionnaire dans les départements français d’Algérie. Comment ils ont élaboré les "Dispositifs de Protection Urbains" - recensement, tortures, quadrillage du territoire, maillage de la population, infiltrations et manipulations - et remporté la Bataille d’Alger contre "l’ennemi intérieur". Comment l’école française des "escadrons de la mort" s’est imposée dans tous les états-majors du "monde libre". Comment furent inventés les "5e bureaux" d’action psychologique. Comment ces 5e bureaux organisèrent les coups d’Etats de l’armée d’Algérie et servirent de matrice à l’OAS. Comment la doctrine de la guerre révolutionnaire, si efficace encore lors du génocide rwandais, commande toujours plus l’organisation de la défense nationale contre les "nouvelles menaces". Comment, sous les auspices de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale, et de l’Institut des Hautes Etudes de Sécurité Intérieure, l’Etat a adopté la doctrine de la "Sécurité nationale" qui depuis 1947 a couvert toutes les dictatures militaires de la zone d’influence américaine. Comment le "sécuritaire" adapte et reconduit la doctrine de la guerre révolutionnaire dans la France actuelle avec de nouveaux apports législatifs, politiques, médiatiques, et technologiques. Et enfin, comment démonter ces politiques victimaires et résister à l’institution de nouveaux boucs émissaires.