Depuis 2015, un groupe d’enseignants rassemblés par l’Appel de Beauchastel (ici) a entrepris la critique de la « numérisation de l’école », c’est-à-dire de sa destruction, voulue et organisée par la technocratie dirigeante dans toutes ses composantes (étatiques et administratives, économiques et technologiques).
L’objectif est connu et déclaré de longue date : river les élèves à leurs écrans pour en faire des hommes-machines adaptés et soumis au règne machinal (voir ici). Ça fonctionne. La population mute. Les digital natives restent les pouces collés aux écrans tactiles, le cerveau amputé des anciennes fonctions inutiles dans le monde-machine, et dépendants de leur connexion pour leur survie quotidienne.

Il arrive encore, cependant, que se tiennent des opérations « en live », ne serait-ce que pour éliminer toute résistance de secteurs obsolètes et désuets, et promouvoir la « mentalité » numérique. Ainsi cette journée de lancement du « Territoire Numérique Educatif » des Bouches-du-Rhône, organisée au palais du Pharo, à Marseille, le mercredi 27 avril 2022. Un de ces innombrables « événements » consacrés à la valorisation de la vie connectée et de ses promoteurs – en l’espèce les bureaucrates de l’éducation nationale et leurs prestataires en « outils numériques ».

La plupart des 600 enseignants présents n’avaient rien à redire, bien au contraire, à ce que les écrans fassent écran entre eux et leurs élèves. Seuls cinq d’entre eux, signataires de l’Appel de Beauchastel, ont fait intrusion sur scène pour y lire un texte contre la numérisation de l’école. Huées, agitation, expulsion : scénario maintes fois reproduit sur d’autres scènes depuis des lustres, et ici même au Pharo, en juin 2009. Nous, Chimpanzés du futur, et des amis d’un comité « Nanoflics, on vous a à l’œil », avions pris la scène d’un salon professionnel dédié à la technologie RFID et au monde sans contact. Nous refusions de déléguer nos vies et nos relations sociales aux machines numériques (voir ).

Nous le refusons toujours, mais comme l’écrivent nos amis de Beauchastel, perturbateurs du 27 avril : « Nous avons perdu, c’est un fait. » Hors quelques rétifs, les Marseillais trouvent normal de scanner leur QR code pour accéder à la calanque de Sugiton dès cet été (ici).
Comme le constatait le poète Paul Valéry en 1931, « voici venir le temps du monde fini ». Quant à nous, nous n’avons trouvé d’autre issue que de vivre contre notre temps. Et vous ?

(Pour lire le récit, ouvrir le document ci-dessous.)