Nous avons même rencontré un ouvrier heureux. Et pourquoi pas. Il est jeune, il est fort et joyeux. Il a une belle femme et de beaux enfants. Et il dépense sa force avec ses collègues et ardeur, suant et trimant en équipe à produire un « matériau hautement stratégique ». Une véritable affiche prolétarienne des années 30 ou 40 pour la « bataille de la production », avec vue en contre-plongée du valeureux et musculeux « héros du travail » ; mineur ou métallo.
Bien sûr, il a parfois des doutes notre ami Stakhanov. Il sait bien qu’il perd sa santé, que son usine empoisonne la vallée, que son industrie assèche le monde. Il voudrait bien que ce soit « mieux géré », « de manière écologique ». Ne serait-ce que pour ses gosses, pour l’eau, pour les gens. Il y pense et puis il pense à autre chose. Le boulot n’est pas facile à trouver et lui, il aime le sien. Il a l’impression avec le silicium de produire de l’or, quelque chose d’infiniment précieux, et il ne peut se dire que cette production, si bien gérée soit-elle, ne vaudra jamais les destructions qu’elle génère. Qu’elle est en elle-même une entreprise de destruction avec quelques retombées positives et quelques bénéfices secondaires.

Un entretien réalisé par Arthur Morel.

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