Disponible en librairie : Notre Bibliothèque Verte (deux volumes). Voir ici

Pierre Fournier, le fondateur de La Gueule Ouverte et Alexandre Grothendieck, celui de Survivre, restent, 50 ans après leur geste inaugural, des cadavres dans le placard des « écologistes ». Ils partagent une brève existence militante. Fournier publie ses premiers articles « écologistes » en 1967 dans Hara-Kiri, puis dans Charlie Hebdo entre 1970 et 1972, et meurt en février 1973, trois mois après le lancement de La Gueule Ouverte (voir ici).

Alexandre Grothendieck, médaille Fields de mathématiques en 1966, fonde en juillet 1970, avec quelques universitaires réunis à Montréal, le « mouvement international pour la survie de l’espèce humaine », nommé Survivre. Le bulletin du mouvement paraît en août 1970. Dès la fin de l’année, Grothendieck découvre, enthousiaste, les chroniques de Pierre Fournier. Le mathématicien, qui situe l’alternative entre la révolution écologique et la disparition de l’humanité, rejoint le journaliste dessinateur. Ils lancent ensemble le combat antinucléaire, épaulés par des petits groupes : l’Association pour la protection contre les rayonnements ionisants (APRI), fondée par Jean Pignero ; son rejeton, le Comité de sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin (CSFR) ; ainsi qu’Emile Premilieu et le Comité Bugey-Cobaye. Voilà ceux qui organisent le premier grand rassemblement antinucléaire et écologiste en France, les 10 et 11 juillet 1971, à Saint-Vulbas (01), devant la centrale du Bugey. Les ventes de Survivre devenu Survivre et Vivre, passent de 1300 en janvier 1971 à 12 500 exemplaires en 1972. C’est également l’année où Grothendieck pose à la corporation scientifique une question qu’elle ne voudra jamais entendre, et qu’elle ne lui pardonnera jamais : « Allons-nous continuer à faire de la recherche scientifique ? », et aussi : « Pourquoi faisons-nous de la recherche scientifique ? A quoi sert socialement la recherche scientifique ? »

Questions restées également sans réponse de ses amis du groupe Survivre et Vivre. A la rentrée 1973, Grothendieck qui a déjà quitté la recherche et l’Institut des Hautes Etudes Scientifiques, déserte également Survivre et Vivre, ainsi que le Collège de France, pour un simple poste d’enseignant à l’université de Montpellier. Il évoque son « enterrement » dans un texte autobiographique, Récoltes et Semailles, qui n’a toujours pas trouvé d’éditeur à ce jour. Après sa retraite en 1988, il vit et meurt en ermite, en 2014, à Lassere, un village des Pyrénées. Il a dit ce qu’il avait à nous dire ; il n’a plus rien à nous dire.

Dès l’année suivante, la candidature de René Dumont aux élections présidentielles, coaché par Brice Lalonde, son directeur de campagne, annonce clairement que la « révolution écologique » n’est plus à l’ordre du jour, et que « l’écologie » n’est plus désormais qu’une branche du consumérisme et de l’innovation technologique ; un produit d’appel pour marchands de verdure, en échange de postes politiques ou bureaucratiques. Cependant que des courants technologistes lancent leur propre sous-marque, « écosocialisme », « écoféminisme », « collapsologie », afin de détourner à leur profit, une part au moins, de cette force apparue voici 50 ans ; et en hausse constante depuis.

Si vous croyez que Sandrine Rousseau incarne « la radicalité écologique », consultez son CV (ici), et après avoir éclaté de rire, lisez Survivre et Vivre ().

Si vous croyez que Yannick Jadot, le promoteur de l’industrie et du silicium « verts », incarne « l’écologie réaliste », lisez les trois premiers numéros de La Gueule Ouverte. En vente dans toutes les bonnes brocantes.
Ni l’une, ni l’autre ne sont les successeurs de Fournier et Grothendieck, mais leurs fossoyeurs. Heureusement, les deux fantômes de « la révolution écologique » ne cessent de s’évader du placard où les ont enfouis les anti-écologistes Verts.

(Pour lire les notices, ouvrir le document ci-dessous.)

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