Toujours en librairie : Le Règne machinal (la crise sanitaire et au-delà). Voir ici

En juin 2021, le Sénat publiait un rapport légitimant la contrainte numérique durant les crises sanitaires (lire ici), où l’on pouvait notamment lire cette affirmation :

« Plus la menace sera grande, plus les sociétés seront prêtes à accepter des technologies intrusives, et des restrictions plus fortes à leurs libertés individuelles – et c’est logique. »

Confirmation en ce mois de septembre 2021 avec un autre rapport remis au Premier ministre, signé du député LREM de la Loire et ex-attaché parlementaire Jean-Michel Mis. Ce rapport est intitulé « Pour un usage responsable et acceptable par la société des technologies de sécurité ».

La sécurité, comme la santé, étant « la première des libertés », selon la novlangue de l’ère cybernétique, on ne sera pas surpris du contenu de ce rapport.

Il s’agit d’étendre les filets électroniques de la smart planet, le monde-machine dans lequel la technocratie nous incarcère avec l’efficacité croissante de ses moyens technologiques :
  détection automatisée en direct d’anomalies dans les espaces publics ;
  utilisation de jeux de données réelles pour renforcer l’entraînement de l’intelligence artificielle ;
  déploiement expérimental de scanners corporels pour l’accès à des grands événements ;
  expérimentation de l’identification biométrique par reconnaissance faciale en temps réel dans l’espace public.

Ceux qui pensent que nous faisons de la science-fiction en dénonçant ce projet depuis quinze ans, trouveront dans ce rapport les éléments de reality science qui les sortiront peut-être du déni.

Extraits :

« La stratégie "Action publique 2022" prévoit de dématérialiser prioritairement les 250 procédures les plus utilisées. Fin 2020, l’Observatoire de la qualité des démarches en ligne estimait que 70 % de ces démarches étaient réalisables en ligne. »

« Il est ainsi estimé que le volume des données produites dans le monde sera multiplié par plus de cinq d’ici 2025, passant de 33 zettaoctets à 175 zettaoctets. En outre, la nature des données a évolué : les capteurs vidéo et sonores se sont en effet multipliés (vidéoprotection, par exemple) et démocratisés (smartphones). »

« Les évolutions techniques en cours ont une portée tout autre. Elles se caractérisent par la puissance de nouveaux outils reposant sur la captation et l’exploitation de données, tant en précision qu’en masse, ainsi que par les possibilités en mobilité et en interconnexion qui leur donnent une quasi-ubiquité. »

« Les nouvelles possibilités d’automatisation de l’analyse de données de natures différentes (texte, photo, vidéo, son, géopositionnement) ouvrent des capacités d’aide à l’identification de situations de danger. »

« La vision par ordinateur est une branche de l’intelligence artificielle qui permet d’analyser, et de traiter les images prises par un système d’acquisition comme la vidéoprotection (…). La vision par ordinateur a, par exemple, été utilisée récemment pour détecter, dans les transports, le non-respect du port du masque sanitaire. »

« Les technologies de traitement de données massives permettent de modéliser certains phénomènes dans une logique prédictive. Ces schémas donnent aux forces la possibilité d’ajuster leurs dispositifs opérationnels selon les variations prévisibles ou de détecter des signes précurseurs d’un phénomène inhabituel afin de monter rapidement en capacité. Les forces de sécurité ont signalé leur intérêt pour de tels outils, qui ont déjà fait l’objet de modélisations. »

« En France et dans de nombreux autres pays, la reconnaissance faciale est utilisée dans la sphère privée, comme pour le déverrouillage d’un téléphone portable ou l’accès à des sites privés (d’entreprise, par exemple). (…) la perception de cette technologie semble se banaliser dans une frange de la population française. Ainsi, un sondage de 2021, réalisé auprès d’un millier de Français, a relevé que 62 % des personnes interrogées approuvaient le recours à cette technologie pour l’expérience utilisateur, et 58 % à des fins d’authentification. Si son acceptation semble éminemment culturelle et générationnelle, la jeunesse ne l’adopte pas de façon indiscriminée : elle la plébiscite pour les usages courants mais peut s’en méfier quand elle est utilisée à des fins de surveillance. »

« Les premiers utilisateurs naturels des nouvelles technologies de sécurité sont les forces étatiques, compte tenu de leurs missions. Cependant, à terme et sous certaines conditions strictes, elles pourraient bénéficier à des acteurs non étatiques. Les collectivités locales ont ainsi montré leur intérêt pour l’expérimentation de la reconnaissance faciale. Elles font en effet face à des enjeux de sécurité importants et disposent de moyens techniques et financiers qui leur permettraient d’en conduire. De même, des opérateurs parapublics ou privés, comme dans le domaine des transports en commun, pourraient y trouver une utilité dans le contrôle des flux de voyageurs et la prévention. »

« La sensibilité particulière de la reconnaissance faciale en temps réel dans l’espace public implique de débattre collectivement de l’usage qu’il est souhaitable d’en faire généralement, et tout particulièrement en matière de sécurité. »

« Les expérimentations sont souvent perçues comme une première étape, sans possibilité réelle de retour en arrière (« effet-cliquet »), et non comme le moyen de vérifier la maîtrise de la technologie, son cadre d’emploi et de contrôle et les améliorations à apporter pour un éventuel usage à l’avenir. Certains contributeurs à la mission ont soulevé, par exemple, que le déploiement de la vidéo-protection n’avait pas fait l’objet d’une évaluation approfondie sur les effets, en termes de prévention de la délinquance et d’aide aux enquêtes. La technologie est considérée avoir été progressivement installée, généralisée et tacitement acceptée, sans que soit porté un regard critique approfondi sur ses avantages opérationnels. »

« Le lancement d’un débat public sur les nouvelles technologies est l’occasion de créer, avec les citoyens, un cadre de réflexion et de dialogue sur les grandes innovations numériques. Les citoyens sont formés sur le sujet par des experts et fournissent un avis éclairé construit collectivement, qui vient appuyer la décision publique et limite les contestations. Cette forme de mobilisation peut être retenue si le gouvernement décide de lancer un débat approfondi sur l’usage des nouvelles technologies, qui comme l’I.A. posent des choix de société. Les lois de bioéthiques offrent un modèle intéressant qui, sans être intégralement reproductible, peut servir d’inspiration à des lois "techno-éthiques". Elles constitueraient le cadre de révision des emplois des grandes innovations numériques. »

Le rapport complet pour se lire ici.