Depuis l’instauration d’un QR code discriminant les individus selon leur statut virologique, à la chinoise, peu de professionnels de la culture ont dénoncé ce progrès de la contrainte numérique et encore moins ont refusé d’obtempérer. Certains ont un temps contourné la règle avec des jauges de moins de 50 personnes – tactique aussitôt interdite par le gouvernement.

Aussi faut-il saluer le refus clair et public de bibliothécaires de plusieurs villes de France, dont Grenoble, en grève contre le QR code. « Ce pass induit, de fait, une notion de contrôle et de filtrage à l’entrée des services, en totale contradiction avec les valeurs fondamentales que nous défendons : un service public en accès libre, gratuit, ouvert à tous et toutes, sans discrimination et sans justification de l’usage qui en est fait », écrit l’Association des bibliothécaires de France (voir ici).

Le décret sur le « pass sanitaire » impose le QR code aux usagers et aux salariés des bibliothèques, à l’exception des bibliothèques universitaires, spécialisées, de la Bibliothèque nationale de France, et du public venant pour « motifs professionnels » et « à des fins de recherche », qui n’est jamais contagieux (voir ). A compter du 30 septembre 2021, les enfants de 12 ans et plus devront également présenter leur code-barre 2.0.

A Grenoble, où sept bibliothèques municipales sont en grève reconductible depuis le 24 août 2021, la municipalité technologiste d’Eric Piolle pratique à son habitude le double langage. Dans la presse et les meetings de campagne électorale, le maire se déclare opposé au pass sanitaire. Dans la vie, ses services menacent de sanctions disciplinaires les bibliothécaires refusant de contrôler les usagers.

Au fait, à quoi sert le QR code dans une bibliothèque ? A mélanger, sans masque (son port est supprimé dans les lieux soumis au QR code) ni jauge, des gens vaccinés possiblement contagieux avec des gens non vaccinés et non contaminés. Quelle différence, d’un point de vue sanitaire, avec un accueil ouvert à tous, masqués et en nombre limité selon la surface, comme c’était le cas jusqu’ici ? Aucune, vous diront les épidémiologistes, qui n’ont d’ailleurs jamais détecté de foyers de contamination dans les bibliothèques.

Ce tri sélectif n’a évidemment pour seule fonction que de contraindre les rétifs à la vaccination et d’habituer les Smartiens à être scannés pour chaque acte quotidien dans la smart city. A troquer toujours plus leur liberté contre une prise en charge machinique et autoritaire.
Même la présidente de la très conciliante CNIL concède que « l’institution d’un passe sanitaire pose des problématiques de vie privée et de protection des données à caractère personnel [et] porte, plus globalement, atteinte à d’autres libertés et droits fondamentaux que la CNIL n’a pas pour vocation première de protéger : la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre, l’égalité de traitement des personnes ou encore la liberté de consentir à un traitement médical ou à subir un acte médical » (Audition devant le Sénat, 21/07/21). Si la CNIL le dit.

A quand une grève générale des « travailleurs de la culture » contre la traque numérique ?

Les bibliothèques permettent la circulation virale des idées, du savoir, de la pensée. Ouvrons-les à tous !

Un rassemblement de soutien aux bibliothécaires en grève aura lieu mercredi 1er septembre à 17h devant la bibliothèque du centre-ville de Grenoble (Maison du Tourisme).

Pièces et main d’œuvre
Grenopolis, le 28 août 2021

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