Texte diffusé à l’occasion du débat "démocratie et génétique", le 17 octobre 2002 à la Maison du tourisme de Grenoble.

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I- Plaidoyer pour Gérard Leclerc

"Nous disposons de la base scientifique - une mine d’or - et il suffit de prendre une pioche pour creuser." Dans son numéro de Mai 2002 Présences, mensuel de la Chambre de Commerce et d’Industrie citait ces propos de Thierry Vernet, directeur de labo à l’Institut de Biologie Structurale, membre du conseil scientifique de Protéin’Expert, venu avec Ethique Feuerstein, l’ex-président de l’Université Joseph Fourier, défendre le projet Biopolis au conseil de la Métro.
Emmanuel Drouet, professeur de la même Université Joseph Fourier, renchérissait quelques lignes plus bas : "Pour réussir dans la création d’entreprises biotechs, il faut être multiculturel : les chercheurs doivent s’immerger dans le management."

En vérité, ces messieurs sont trop modestes et Gérard Leclerc, leur collègue enseignant-chercheur à l’UJF, n’avait attendu ni leurs encouragements, ni le vote de la loi Allègre sur l’essaimage pour monter sa petite entreprise.

Depuis dix ans déjà, il faisait de la perruque, exploitant son labo, son matériel et ses étudiants pour produire clandestinement des molécules, ensuite vendues à RBI, une boîte pharmaceutique américaine. Il gagnait à ce trafic 15 000 euros par an, versés directement sur son compte en Suisse. "Cette situation était une honte, clame Mohamed Taroua, ancien étudiant marocain de Gérard Leclerc. On était payé cash, dans son bureau, les billets dans une petite enveloppe... Il proposait ces synthèses aux étudiants sans argent, souvent d’origine marocaine. Il savait que pour nous, c’était ça ou un boulot de veilleur de nuit." Et surtout il ne fallait pas en parler. Mohamed Taroua a dû produire 5 grammes d’épibatidine, produit très toxique, en sept mois de travail. Il a surtout pris de graves risques pour sa santé, gagnant en tout 1100 euros. Sur le catalogue de RBI, le gramme d’épibatidine est vendu 320 000 euros." (Le Monde 11/09/02) C’est la secrétaire de Gérard Leclerc qui à la suite d’une brouille - sur le partage des profits ? - l’a balancé fin 1999. Elle avait conservé toutes les traces de sa correspondance avec RBI.

Qu’à cela ne tienne. Entre enseignants-chercheurs d’or, on ne se lâche pas. Après deux ans de suspension, le Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (CNESER) vient de réintégrer Gérard Leclerc à l’Université Joseph Fourier, malgré ses agissements "contraires à l’honneur et à la probité" et "ses anciens collaborateurs, nous informe le Daubé (11/09/02), ont accueilli très favorablement son retour..." Et pour cause, du moment qu’on paye ses royalties à l’Université, les biotechs sont pour eux une mine d’or où ils piaffent de piocher.

Le Monde s’interroge pourtant. "Mais comment la hiérarchie de Gérard Leclerc, ses collègues, ont-ils pu, durant toutes ses années, ne rien entrevoir ? Parmi les enseignants qui acceptent aujourd’hui de parler, la réponse est unanime : ils savaient que les étudiants fabriquaient des molécules, en marge de leur thèse, mais pensaient que les produits étaient vendus au bénéfice du laboratoire. Pour cela, il aurait fallu que l’université ait passé un contrat avec RBI. La possibilité de signer des contrats avec des entreprises permet aux laboratoires universitaires de financer l’achat de produits et de matériaux indispensables à leurs recherches. (NDR : Et aux chercheurs d’arrondir leurs fins de mois, et aux entreprises d’orienter les recherches.) Ici, cette convention n’a jamais existé. Les collègues de M. Leclerc pouvaient-ils l’ignorer ? "Quand un contrat en bonne et due forme a été signé avec une entreprise, c’est public, les gens en parlent", raconte un ancien étudiant. Alors ? "Je vois mal comment les collègues du laboratoire de M. Leclerc pouvaient ignorer l’absence de toute convention."

Ils l’ignoraient pourtant, suivant l’omerta de toutes les mafias. Comme ils ignoraient l’exploitation et les risques courus par ces étudiants marocains, ce qui renseigne assez sur l’éthique de leurs futures entreprises de biotech. Ni moins rapaces, ni plus scrupuleuses que n’importe quelle agence d’intérim ou atelier du Sentier. Enfin on n’ose imaginer que parmi ces ignorants, d’autres puissent se livrer "à des agissements contraires à l’honneur et à la probité."

"Révélée en 1999, l’affaire a d’abord été portée devant la commission disciplinaire de l’Université Joseph Fourier qui a prononcé en mai 2000 une sanction de deux ans d’interdiction d’exercice. Trouvant cette sanction insuffisante, le recteur d’académie, Denise Pumain à l’époque, avait fait appel. Une demande appuyée par Claude Feuerstein, président de l’université scientifique (NDR : et de Biopolis, et de l’Association pour le Développement des Biotechnologies dans l’Agglomération Grenobloise)... "L’université a agi comme elle le devait , rappelle Claude Feuerstein. Gérard Leclerc a été sanctionné et il a purgé sa peine. Nous sommes bien obligés de le réintégrer dans ses fonctions d’enseignant-chercheur. Nous n’avons fait preuve à son égard, ni de mansuétude, ni d’acharnement particulier. Simplement il faut que justice se fasse." (Le Daubé 11/09/02)

Je dirais même plus. Au fond Gérard Leclerc n’est victime que de sa généreuse ardeur au bien public. Il voulait juste contribuer au "développement et à l’emploi pour tous" comme Michel Destot et Geneviève Fioraso s’en flattent dans les Nouvelles de Grenoble (septembre 2002). "Ce modèle de développement grenoblois" - durable, forcément durable - selon Vincent Comparat (Le Rouge et le Vert n°84), chercheur écolo-nucléaire et mentor de l’Ades. La fameuse "synergie recherche - industrie" qui en un siècle a fait de la cuvette, "l’endroit le plus dangereux de France" (Le Canard Enchaîné 25/09/02), et surtout l’un de ceux où s’élabore le techno-totalitarisme. Hier, chimie civile et militaire, nucléaire et micro-informatique. Aujourd’hui, bio et nano-technologies, si précieuses au formatage et au contrôle des individus.

Aux amateurs de bandes dessinées, on dira simplement que nos technarques sont des aspirants Zorglub qui rêvent de nous transformer en zorglhommes (voir Spirou et Fantasio).

Le grand tort de Gérard Leclerc, c’est d’avoir pris un faux départ. Eut-il pris le temps de couver sa start up comme Yves Laurent, le performant PDG de Génome Express, ou Tristan Rousselle, son clone de Protéin’eXpert, qu’il aurait en permanence les honneurs du Daubé et des plaquettes de l’Adebag. Ethique Feuerstein l’aurait avec joie logé dans son hôtel d’entreprises de Biopolis, comme le projet PRETA par exemple (capteurs et physiologie respiratoire), issu d’un contrat avec la Défense. Il lui aurait fourni des locaux, des crédits, une assistance juridique, via UJF-Industrie, l’incubateur de l’Université Joseph Fourier. Leclerc SA eut bénéficié de l’animalerie de transit de Biopolis, de ses liens avec les trois labos P3 de l’agglo (CRSSA, Institut Jean Roget, Institut de Biologie Structurale), d’un comité de bioéthique classe tous risques - au cas où ses activités seraient tombées dans les 20 % qui d’après Le Daubé et le Bulletin municipal de La Tronche (n°73, mai 2002) "pourraient poser problème." Comme quoi, le timing est crucial dans un business plan.

II- Attac se rend à l’Adebag

A l’UJF, on travaille au Meilleur des Mondes. A Attac, on se bat pour un autre monde. Aussi Jean-Pierre Berlan, chercheur à l’Inra et l’un des principaux critiques des OGM, fait-il partie du conseil scientifique d’Attac, qui diffuse ses textes. Il est notamment l’auteur du mot "nécro-technologies" pour désigner ce qu’en novlangue on appelle par antithèse "biotechnologies". Etranges "technologies du vivant" qui produisent pesticides, herbicides, fongicides, bactéricides et somme toute, homicides.
En décembre 2001, de simples citoyens avaient donc communiqué le dossier Biopolis aux dirigeants d’Attac-Isère, afin qu’ils puissent contester en connaissance de cause ce projet de marchandisation libérale. Ce dossier ne fit pas l’objet de la moindre diffusion auprès des 800 adhérents d’Attac-Isère.

En juillet 2002, le Conseil d’Administration d’Attac-Isère se réunissait clandestinement avec Ethique Feuerstein dans les locaux de la Métro. Le CA ayant poussé l’amabilité jusqu’à communiquer d’avance ses questions à Ethique Feuerstein, afin qu’il évite d’y répondre.

En septembre 2002, Attac-Isère tenait réunion contre les OGM à la Maison des Associations, sans dire un mot de Biopolis ni des nécro-technologies grenobloises. Quant au compte-rendu de ce conciliabule avec Feuerstein, à notre connaissance, le simple membre d’Attac pourra se brosser jusqu’à l’os avant d’y avoir accès. Et c’est bien fait. Etre citoyen, ce n’est pas faire partie d’une officine dite "citoyenne", c’est faire soi-même acte de citoyen, quel que soit le peu de sens auquel on ait réduit ce mot si vague.
L’autre monde selon Attac, c’est le Meilleur des Mondes selon Feuerstein.

III- Le coin de la Frapna

A l’UJF, on travaille aux "sciences du vivant". A la Frapna, on se bat pour "la protection de la nature". Aussi le numéro de septembre d’Isère Nature nous invite à "rester ferme contre les OGM" et stigmatise Cargill Dow, entreprise de biotechnologie américaine qui s’est lancée dans la production industrielle de plastiques à partir de maïs génétiquement modifiés. "Une fois de plus, sous différents prétextes et avec discrétion, ces entreprises cherchent à imposer les OGM de façon irréversible au risque de la plus grande catastrophe écologique de l’Histoire."
Mais Grenoble n’est pas l’Amérique.

"Biopolis mérite-t-il tant de haine ?" s’interroge Etienne Spanjaard, rédacteur en chef d’Isère Nature. Et le papelard d’évoquer les liens entre l’Adebag et "une structure qui a fort mauvaise presse dans un certain public, le CRSSA, un "laboratoire" rattaché aux armées. De là à imaginer le pire, il n’y a pas loin puisque certains croient (ou font croire, ce qui est encore plus grave) que le CRSSA développe des armes biologiques et héberge des laboratoires qui menaceraient les populations tronchoises à proximité. Le CRSSA ne développe pas d’armes, est très ouvert sur la communauté scientifique civile (thésards, échanges nombreux avec la recherche hospitalière...) mais dispose en effet d’un département de biologie, classé P3, qui travaille sur des virus et des bactéries pour chercher et expérimenter des solutions pour "prévenir et traiter les militaires qui pourraient être la cible d’attaques bactériologiques." Ces solutions, si elles existent seraient extrapolables aux civils !

Donc, le CRSSA, et donc les militaires, font partie des parrains de Biopolis.
Ce qui ne trouble pas Etienne Spanjaard, et d’ailleurs "la Frapna ne s’oppose pas par principe à Biopolis et ne veut pas faire de "l’anti-science". La recherche en biotechnologies a, comme toute science, des aspects positifs - par exemple dans ses applications médicales - mais aussi des aspects très négatifs (songeons par exemple aux OGM). (...)
La Frapna sera vigilante sur l’impact du projet en matière de nature et d’environnement et exigeante sur l’éthique, la transparence, les mesures de sécurité et leur contrôle. Elle fera tout son possible pour que la concertation citoyenne la plus large soit la règle pour Biopolis comme cela devrait être la règle dans tous les grands projets d’aménagement."
(Isère Nature, juin 2002)
Amen.

Il ressort de cet embrouillamini :

1) Que M. Spanjaard (et la Frapna) ne font pas partie "d’un certain public", méfiant des laboratoires militaires. Qu’il "n’imagine pas", "le développement d’armes biologiques au CRSSA", ni que ses laboratoires "menacent les populations tronchoises". Ce qui prouve peu d’imagination. Doit-on lui rappeler que c’est dans les laboratoires militaires américains que le FBI recherche la souche et le coupable des attaques au charbon qui ont frappé les Etats-Unis l’an dernier ?

2) Que M. Spanjaard (et la Frapna) croit le CRSSA sur parole quand il l’assure "qu’il ne développe pas d’armes" et en veut pour preuve "qu’il est très ouvert sur la communauté scientifique civile", ce qui signifie en effet qu’il n’y a plus de distinction entre recherches civiles et militaires, les deux fusionnant dans la mise au point de "technologies duales", comme ils disent.

3) Que, nonobstant, M. Spanjaard (et la Frapna) reconnaît l’existence au CRSSA d’un laboratoire de biologie, classé P3, dont les solutions pour "prévenir et traiter les militaires" victimes d’attaques bactériologiques "seraient extrapolables aux civils !" Ce qui est une plaisanterie dans le goût du "nucléaire civil", les mêmes travaux servant à la mise au point des "solutions" et des "problèmes", des vaccins et des virus. Et l’on voit trop bien que ceux-ci seront aussi "extrapolables" que ceux-là.

Enfin M. Spanjaard parle comme s’il savait et qu’il fût l’officier de presse du CRSSA. Et d’ailleurs, en est-on si loin ? Car M. Spanjaard, également conseiller municipal à La Tronche, est membre du comité de rédaction de son bulletin municipal, lequel publie dans son numéro d’avril 2002 le rassurant compte-rendu d’une visite au CRSSA.

"Mardi 5 mars, les élus de La Tronche étaient invités à se rendre au CRSSA : visite de proximité courtoise et aussi de découverte d’un lieu que l’on dit "secret". Ils ont été accueillis par le Médecin Général Viret, directeur du CRSSA, et les chefs de départements, présents pour répondre à leurs questions.(...) Un autre département s’intéresse à la biologie des agents transmissibles, ces petites bêtes qui nous font tous peur, virus et bactéries en tous genres, mais pas trop méchants tout de même !
En effet le laboratoire de La Tronche est habilité à travailler uniquement sur des virus ou bactéries sensibles aux antibiotiques ou aux vaccins existants. C’est la fameuse classification internationale du laboratoire P3 ! "

En admettant que la Grande Muette ne soit pas une grosse menteuse (mais comment savoir ?), on voit que le simple fait d’héberger un laboratoire P3 avec "ses virus et bactéries en tous genres", menace en effet "les populations tronchoises" même si les remèdes (antibiotiques et vaccins) coexistent avec les poisons.

D’ailleurs, pourquoi se limiter "aux populations tronchoises" ? Qu’un virus ou des toxines échappent aux mesures de sécurité "les plus draconiennes", ils se répandront au hasard des vecteurs rencontrés. Que des terroristes attaquent le CRSSA, ou qu’un de ses membres n’imite son collègue américain et "les dispositions draconiennes" se révéleront un pur bourrage de crâne.

Mais M. Spanjaard (et la municipalité de La Tronche) s’imagine peut-être qu’il n’y a de terroristes et de fous meurtriers qu’en Amérique ? Lui qui n’a pourtant, comme on sait, guère d’imagination.
Quant à la distinction entre "mauvais OGM" et "bonnes" applications médicales des biotechnologies, puisque décidément nos gestionnaires des nuisances se répètent, il nous faut répéter aussi : qu’en effet le développement de ces filières (comme la filière bovine et ses vaches folles), leur croissance et leur croisement planifiés sur des décennies, tressent un système, et même le système : un réseau (du latin rete, filet), un net si l’on veut, qui quadrille peu à peu chaque parcelle du monde et des individus. C’est à dire qu’il n’y a plus d’individus mais des rouages du système, des puces de l’ordinateur, des fourmis de la fourmilière. La fourmilière étant l’individu, ce tout indivisible, dont les fourmis, les puces, les cellules, les rouages, les hommes, ne sont que les parties.

Dans ce maillage général, Biopolis, selon Feuerstein, joue précisément le rôle de maillon entre les laboratoires de recherche et les entreprises industrielles, les start up. Mieux : "Les perspectives de développement sont synchrones et synergiques entre le pôle Minatec/Nanobio situé sur le polygone scientifique et celui des bio-industries plus spécifiquement dédiées aux sciences de la vie et de la santé prés du CHU" (document Biopolis, page 14).

Aussi bien n’est-ce pas tant Biopolis, ses dangers et ses malfaisances particulières (ses fameux "20 %" d’activités à risques) que nous refusons, que ces "perspectives de développement" dont Biopolis ne constitue qu’un maillon. Ce totalitarisme technocratique qui ici sous couvert de culture grenobloise, ailleurs de culture techno, de progrès, d’innovation, vise à la domestication irréversible de l’espèce humaine.
"La protection de la nature" selon Spanjaard (et la Frapna), c’est la technification du monde selon Feuerstein (et l’Adebag).

IV- Les gitans à la rue

Si les marocains peuvent servir de main-d’œuvre taillable et corvéable aux technarques de l’UJF, on sait que les gitans sont indésirables au campus. C’est tout simple : les chercheurs disposent de cobayes dans leurs "animaleries de transit" et tant qu’un regrettable principe de précaution interdit l’expérimentation directe des molécules sur des sujets humains, les gitans ne servent à rien. Ils ne rapportent rien. Ils perturbent juste l’éclosion des jeunes pousses transgéniques, que les présidents d’université entourent de tendres soins.

En avril 2002, juste avant leur fièvre républicaine et le grand Le Penathon de l’entre-deux tours, les étudiants, profs et administratifs du campus s’étaient donc mobilisés en masse, eux qui ne se mobilisent guère souvent, pour chasser les gêneurs.
En juillet 2002, rebelote. Ces universitaires qui viennent de manifester "contre Le Pen et ses idées" s’enflamment contre l’escale sur le campus de 74 caravanes et engagent une procédure d’expulsion en référé.

Soit : ces techno-ploucs défendent leurs basses-cours et leurs bouillons de culture. Mais comment se fait-il que tous ces partis et "assoces" progressistes, si chatouilleux sur la purification ethnique dans les Balkans ou les discriminations en Israël, n’aient pas eu un mot à dire sur ce cas d’ostracisme local ?

C’est que les gitans sont français en majorité, et donc cela ne regarde pas le Centre Inter-Peuples. Ils ont des papiers, ce qui exonère le Collectif de soutien aux sans-papiers. Ce sont des familles nomades et non des blacks ou des beurs, jeunes-des-quartiers, ainsi SOS Racisme ne peut rien pour eux, quoique le "testing" soit plus que concluant en ce qui les concerne.

Autrement dit, ce sont de mauvaises victimes dont la défense ne rapporte rien à des boutiques qui n’investissent que sur des marchés et des clientèles politiquement rentables.

Mais alors, qui peut les aider ? Le Touring Club de France, peut-être ?
Et aussi le préfet de l’Isère qui après des années d’incurie, oblige enfin les communes de l’agglo à respecter la loi, en ouvrant des aires d’accueil. Mais faut-il s’en étonner ? "Aucune commune n’y est allée de gaîté de cœur. Car dédier une parcelle de terrain communal à l’accueil des gens du voyage rapporte en général aux élus locaux plus de plaintes des riverains et de griefs de la population que de félicitations et de voix aux élections." (Le Daubé 18/09/02)

V- Pourquoi tant de propagande ?

Selon un ancien il existait jadis, dans les années 70 à Grenoble, une petite assoce nommée "la boutique des sciences" où spécialistes et citoyens se livraient à la critique rationnelle et scientifique du dévoiement des recherches, de leur prostitution au techno-capitalisme. A celle du nucléaire, par exemple, de l’électro-fascisme et de SuperPhénix, si cher au techno-gratin (Néel, Dubedout, Destot) issu du Commissariat à l’Energie Atomique.

Cette petite boutique fonctionnait avec les moyens du bord. Réunions, diapos, émissions de radios libres. Ni sponsors ni subventions, mais un travail dans le sillage de Erwin Chargaff (l’un des pionniers de l’ADN) ou du mathématicien Alexandre Grotendiek (médaille Fields 1968, membre fondateur du mouvement Survivre).
Cette bonne idée connut une mutation orwellienne en 1979, le jour où un quarteron de technocrabes, communistes et socialistes surtout, décida de la vendre au techno-gratin pour en faire son service de propagande. Le Centre de Culture Scientifique et Technique (le premier en France) était né, avant d’ajouter "et Industrielle" à son intitulé. C’est-à-dire à révéler enfin sa vraie raison d’être : réduire la culture aux sciences et techniques, et celles-ci à l’industrie.

On sait que l’un des principes de la novlangue réside dans l’inversion du sens des mots. Au fronton du ministère de la Vérité (le Miniver, c’est-à-dire le ministère de la Propagande) s’inscrivent ces trois slogans :

La guerre c’est la Paix

La Liberté c’est l’Esclavage

L’ignorance c’est la Force.

Ce dernier pouvant servir de devise au CCSTI qui est le Miniver du techno-gratin. La propagande qui n’est rien d’autre que techniques est une création de l’église pour propager son idéologie. La technique et le mot, ayant connu quelque discrédit suite à de fâcheux excès hitléro-staliniens, furent remplacés dans les années 1960 par la communication.

La communication, qui se présente tantôt comme de la politique tantôt comme du journalisme, en est l’exact inverse : un hommage du vice à la vertu.

La communication n’est rien d’autre que techniques. Et il est donc juste que ce soit à Greno-Technopolis qu’on ait fondé en 1974 environ la première "Maîtrise de Sciences et Techniques de la Communication" où professait Jean Caune, aujourd’hui chargé de la Recherche à la Métro (Biopolis), et convié par le CCSTI ce 17 octobre à la Maison du Tourisme, pour nous éclairer sur "Démocratie et génétique : qui contrôle la recherche scientifique ?" On voit qu’on ne sera pas ébloui, d’autant que les autres invités à cette "table ronde" animée par le sieur Chicaneau, directeur du CCSTI, seront : Ethique Feuerstein qu’on ne présente plus, Michel Herzog, vice-Feuerstein au Laboratoire de Génétique Moléculaire des Plantes (CNRS-UJF) et Christian Sadoux, rédacteur en chef du Daubé, le monopole de désinformation locale. Pour que la boucle soit bouclée il ne manque que Roger Fellat-Pinet, président de la Chambre de Commerce et d’Industrie, mais sans doute le réserve-t-on pour la bonne bouche, à moins qu’Ethique Feuerstein n’ait été jugé suffisamment représentatif des "milieux économiques".
En somme, les mêmes compères qui ont fondé leur carrière sur les nécro-technologies se servent aujourd’hui d’un faux débat du CCSTI pour nous communiquer ce qu’il faut en penser.

Non seulement la com’ nous ment, mais elle nous ment énormément. Ainsi le CCSTI a-t-il programmé pour cette année un nouveau cycle de dix conférences, destinées à l’apologie des nécro-technologies. Par exemple le 21 novembre, "Une rencontre avec Anne Paléologue, chef de la section Biologie du laboratoire de Police Scientifique de Lyon". Bienvenue à Gattaca.

Le 24 septembre 2002, le CCSTI ouvrait à la Casemate rue Saint-Laurent une exposition "Pourquoi tant d’ADN ? Réponses d’artistes, de citoyens, de scientifiques ", où les arguments en faveur des nécro-technologies sont subtilement mis en valeur par leur formulation et leur disposition typographique (en haut, à droite des panneaux, en caractères gras), tandis que les objections sont dévalorisées par les mêmes procédés, quand elles sont exprimées. A titre d’exemple, voici cette perle :

Panneau 8 - "A quoi servent les OGM ? "

"La modification génétique des plantes visent à améliorer leur résistance aux insectes, aux virus et à certains herbicides. En cela, cette technique s’inscrit dans la continuité des pratiques agricoles qui depuis 20 000 ans sélectionnent les espèces végétales selon leur rendement, leur résistance, etc. Une des questions aujourd’hui réside dans l’impact sur l’environnement de ces cultures modifiées génétiquement. Il faut expérimenter sur plusieurs années afin d’évaluer les risques de poursuivre ces cultures. Risques, mais aussi avantages, les promoteurs de ces techniques estiment qu’elles pourraient contribuer à nourrir les populations les plus défavorisées de la planète... et créer de nouveaux marchés dans les pays du Nord. "

Et dessous, en guise d’illustration, cette brève de Libération (15/02/02) :
"En Chine, les OGM, on aime. La recherche sur les plantes transgéniques y est en pleine croissance, leur culture aussi. Telle est la conclusion d’une étude conduite par une équipe d’économistes et de biologistes travaillant pour des instituts de recherche publique aux Etats-Unis et en Chine, et publiées dans Science du 25 janvier. Réalisé à partir de données collectées sur le terrain (via des questionnaires adressés aux laboratoires dédiés aux OGM et à un panel d’agriculteurs) avec le concours des officiels locaux (les académies des sciences et d’agriculture chinoises), ce rapport dresse un bilan très positif du développement des OGM en Chine. "

On voit que cette exposition offre par rapport aux OGM à peu près autant de "questionnement citoyen" que, disons, une exposition d’EDF sur "pourquoi tant d’atome ? "

Notons que ni la Frapna, qui nous invite à "rester fermes contre les OGM", ni Attac qui tenait récemment réunion contre ces mêmes OGM, n’ont protesté contre cette opération financée sur fonds publics.

Quant aux œuvres d’artistes à gages, censées illustrer le propos, elles relèvent en effet de l’académisme contemporain, et à ce titre pourraient illustrer n’importe quoi : les résultats d’un accident de voiture ou une fin de fête difficile, mais toujours une certaine perdition, une certaine désagrégation qui vient comme un lapsus contredire le mensonge affiché.

C’est qu’au Centre de Culture Scientifique etc, on n’a toujours pas lu "La guerre au vivant", livre du scientifique Jean-Pierre Berlan - chercheur à l’Inra - consacré aux nécro-technologies.

Clou de cet automne, le CCSTI nous offre une Fête de la Science, onzième du nom, avec de multiples animations dans 40 sites de l’Isère et sous le chapiteau de la place Victor Hugo.

Objectifs de cette fête selon Guy Romier, président du CCSTI : "Lutter contre la désaffection des élèves pour les disciplines scientifiques et contribuer à un débat citoyen sur les sciences." (Le Daubé, 14/10/02)
Nos lecteurs auront rectifié d’eux-mêmes. Guy Romier voulait dire : "Lutter contre la désaffection des élèves pour l’indiscipline scientifique et étouffer tout débat citoyen sur les sciences "

Voici un an déjà, R.G Schwartzenberg, ci-devant ministre de la Recherche, s’inquiétait aux Assises de la Culture Scientifique et Technique de "certaines interrogations dans le public" et il ne voyait pour y répondre de meilleure solution que d’augmenter les budgets de techno-com’.
"Ainsi, le budget 2000 consacrait 41,5 MF à la culture scientifique et technique. Le budget 2001 lui attribue 56,5 MF, dont 33,3 MF pour les CCSTI. Le budget 2002 lui consacrera 58,5 MF.
Le 27 avril 2001 j’ai signé une charte de CCSTI avec ces Centres, pour les reconnaître comme de véritables partenaires du ministère de la Recherche, ainsi que pour harmoniser et valoriser leur action."

Quant à l’origine de ces "désaffections", "interrogations", le ministre émit quelques idées devant cette assistance choisie : "Les applications de la génomique, les recherches sur les cellules-souches embryonnaires, l’ESB, les OGM, l’effet de serre ou le devenir des déchets radioactifs."

"Les étudiants délaissent de plus en plus les filières scientifiques, se désolait Le Monde du 24 avril 2002. Depuis 1995 les effectifs des formations scientifiques après le baccalauréat ont baissé de 5 %. A l’université le recul atteint 10 %." Et dans son édition du 13-14 octobre 2002, il rapportait la conviction de Claudie Haigneré : "La désaffection observée pour ces disciplines tient avant tout à un désamour né de l’absence de passion."
Certes, et la sécheresse tient généralement au manque d’eau.

Plus convaincant, Le Calepin, lettre du CNRS, Délégation Rhône-Alpes, écrivait en juin 2000 : "Les écoles d’ingénieurs sont pour l’instant relativement épargnées. Il n’empêche que l’on commence à s’inquiéter pour un avenir très proche, situé en 2005-2010 (...). A cette date, les besoins en cadres de l’industrie et de la recherche française risquent de ne plus être satisfaits. Parmi les raisons du phénomène on pourrait avancer la progression d’une mauvaise image des sciences dures dans l’opinion publique, un enseignement pas toujours bien adapté et aussi des carrières scientifiques devenues moins attractives que les métiers de la communication ou du commerce, surtout s’il s’agit du e-business."

Autrement dit, l’amour de la thune et le dégoût des nécro-technologies se conjuguent pour désaffecter les filières scientifiques.

Quant au CCSTI, avec son Conseil d’Administration truffé de tech-notables, son financement public, ses locaux publics, ses 12 salariés et ses commanditaires de l’UJF, du CEA, de l’INPG, de ST Microelectronics, ses programmes annuels, c’est une association officielle comme on voit tant d’ONG gouvernementales.
Rien que le budget de la Fête de la Science représente, suivant le Daubé (14/10/02), "de 150 à 200 000 euros." On voit que ces gens-là ne sont pas à 50 000 euros près. Quant au budget du CCSTI ou de l’exposition "Pourquoi tant d’ADN ?", cela reste comme le trou noir, l’un des mystères de la science.

Pourquoi tant de propagande ? Pourquoi la Fête de la Science ? Pour "savoir ce qui se passe dans les laboratoires, universités et centres de recherche de notre région ? " (CCSTI, "Place aux sciences"). Pour "favoriser le dialogue science-citoyen ?"(Le Daubé 14/10/02)

Foutaises. Pour recruter des fantassins des nécro-technologies, ni plus ni moins que l’Armée de Terre qui au même moment tient sa fête au centre commercial Grand’Place.
Le CCSTI se moque tellement des sciences que dans sa kyrielle d’événements et de cycles, il ne dit pas un mot d’écologie, dont le nom n’apparaît même pas dans toute sa com’.

Ecologie : nom féminin. Du grec oikos : "maison", et logie : d’après économie. Etude des milieux où vivent et se reproduisent les êtres vivants ainsi que des rapports de ces êtres avec le milieu.
Mais au CCSTI, on ignore que l’écologie est une science dont la définition se trouve dans le dictionnaire.