Aujourd’hui 27 septembre 2004, sous couverture médiatique complaisante, la brochette habituelle de notables (André Vallini, président du Conseil Général, Alain Bugat, administrateur général du CEA, Paul Jacquet, président de l’INPG, Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional, Michel Destot, maire de Grenoble, Didier Migaud, président de la Métro, Geneviève Fioraso, PDG de la SEM Minatec et adjointe au maire de Grenoble, Jean Therme, directeur du CEA Grenoble) pose la première pierre de Minatec. Rappelons que le premier et plus grand "pôle" de nanotechnologies de ce côté de l’Atlantique rassemblera 5000 personnes (étudiants, chercheurs, entrepreneurs, etc) pour un investissement de 193 M€. Ce "pôle" comprend aussi Nanotec 300, NanoBio et Crolles 2.

On peut critiquer Minatec de bien des façons. Après coup et sur l’aspect financier comme commence à le faire Raymond Avrillier (Ades) et comme le feront un jour les différentes variétés de gauchistes et d’associations "citoyennes". On peut s’en prendre aux conséquences urbaines (augmentation des loyers, des embouteillages, prolifération des méga-projets) et sociales (afflux massif de cadres, renchérissement du coût de la vie), ou aux nuisances environnementales (gaspillage d’eau, stockage de matières dangereuses, production de nanoparticules, etc), comme nous l’avons fait depuis trois ans déjà.

Nous reviendrons dans une prochaine livraison sur la question de l’auto-réplication des nano-machines ; le pire restant à nos yeux le projet transhumaniste d’"amélioration de l’espèce humaine" et de contrôle social, à l’œuvre derrière ces technologies convergentes (bio et nanotechnologies, technologies de l’information, sciences cognitives).

Aujourd’hui, pour montrer que l’hostilité aux nanotechnologies devient la chose du monde la mieux partagée, nous proposons une brève revue de presse concernant :

  le brevetage des atomes ;

  la traçabilité du cheptel humain grâce aux puces sous-cutanées ;

  la synergie recherche-armée pour la conception d’armes nouvelles, au MIT de Boston comme au pôle Minatec de Grenoble.

Des brevets sur les atomes ?

Après le brevetage du vivant, le brevetage de la matière ? La logique de la privatisation va-t-elle s’étendre aux structures atomiques de base elles-mêmes ? L’avancée de l’industrie des nanotechnologies qui explorent la matière à l’échelle de l’atome, est telle que la question se pose dès aujourd’hui.

"Les nanotechnologies ne sont pas et ne seront jamais une industrie. Elles sont une technologie et pas plus une industrie que la chimie ou la physique", affirme Tim E. Harper, président de European Nanobusiness Association. Que la chimie ne soit pas une industrie, voilà qui aurait de quoi abasourdir les victimes de Bhopal en procès contre elle. Tout comme cet audacieux écran de fumée, l’idée selon laquelle il n’existerait pas d’industrie nanotechnologique. Le moteur de recherche sur Internet Google, lui, y croit, puisqu’il trouve environ 11000 résultats citant investisseurs, presse, firmes et avocats s’exprimant précisément sur cette industrie. La question n’est pas de savoir si cette industrie existe, mais qui y travaille et ce à quoi elle va ressembler.

Une affaire de multinationales

Le Who’s Who de l’industrie nanotechnologique fait penser à quelqu’un qui aurait recopié la liste des 500 sociétés les plus riches du monde, amendée de quelques ajouts. En tête des compagnies détenant le plus de brevets sur les nanotechnologies, citant les géants de l’électronique comme IBM, Nec, Xerox, Intel, Hitachi, Hewlett Packard et Motorola. Kodak, L’Oréal, Dow, Exxon, BASF, Dupont répondent également présent, alors que des firmes dans l’agro-alimentaire comme Kraft, Unilever et Nestlé tirent leur épingle du jeu tout comme des firmes pharmaceutiques comme Johnson & Johnson, Pharmacia et Merck. En réalité, l’étendue du domaine couvert par les brevets en nanotechnologie donne une idée de son importance centrale... et de la configuration future de l’industrie en général. Comme Mickaël Rocco, président de l’US National Nanotechnology Initiative, l’a dit récemment : "Si une firme ne s’engage pas aujourd’hui dans les nanotechnologies, dans cinq ans il sera trop tard, elle fera faillite."

Les "nanobrevets"

L’une des questions les plus courantes émanant de la société civile est de savoir qui sera le Monsanto ou le Microsoft des nanotechnologies de demain : quel requin vorace détiendra le monopole du secteur ? La réponse à cette question réside en partie dans le nombre de brevets détenus dans les trésors de guerre des multinationales. Il a atteint le chiffre de 5500 en 2003. Les "nanobrevets" qui accordent à leur détenteur un monopole sur les structures atomiques de base, sont utilisés dans plus d’un secteur. Les nanotubes de carbone, par exemple, considérés comme les molécules miracle des nanotechnologies, entrent potentiellement pour une grande part dans les produits pharmaceutiques, électroniques, aérospatiaux, dans le domaine de l’énergie et du textile. Une firme qui détiendrait les brevets-clés sur les nanotubes représenterait plus qu’une simple société spécialisée dans l’électronique ou dans un autre domaine : elle pourrait exercer un pouvoir significatif sur tous les autres secteurs économiques. De tels monopoles modifieraient profondément le tissu industriel. A la fin des années 1980, la capacité à breveter un gène applicable à l’agriculture et à la médecine donna naissance aux multinationales des "sciences de la vie" comme Monsanto et Novartis. Demain, des brevets sur les nanostructures donneraient naissance à des "magnats de la matière" exerçant leur main-mise sur plusieurs secteurs.

Les nouveaux Monsanto des nanos

L’un des prétendants au leadership est IBM, détenteurs de 2000 "nanobrevets", dont un monopole sur les microscopes à l’échelle de l’atome et un quasi sur les nanotubes. Viennent ensuite Nec qui détient 600 nanobrevets dont deux essentiels sur les nanotubes et une compagnie californienne, Nanosys, avec 200 brevets, comprenant des nano-senseurs, des nanotubes, des nanostructures qui émettent ou perçoivent de la lumière. Nanosys a signé des contrats avec IBM, Dupont, l’armée américaine et la CIA, et a récemment annoncé qu’elle veut se lancer très prochainement dans le secteur public, au grand enthousiasme des investisseurs.
Le brevetage ne se cantonne pas aux nanotubes. Les brevets concernent également des composés organiques comme une version à l’échelle du nanomètre du ginseng rouge détenue par Pacific Corporation of South Korea, ainsi que des nanoparticules de médicaments chinois traditionnels. Il y a même un précédent concernant le brevetage de la table des éléments comme l’americium et le curium par Glenn Seaborg il y a un demi-siècle. La Biotechnology Industry of America (BIO) a déclaré que selon elle, un élément comme le néon pouvait être breveté si purifié de façon utile.

Pendant plus d’une décennie, la société civile et les mouvements populaires ont protesté contre l’appropriation du vivant aux cris de "pas de brevets sur le vivant". Les nanotechnologies ont permis aux multinationales d’étendre leurs tentacules jusqu’au cœur de la matière vivante et inerte. Il faut hélas aujourd’hui dire : "pas de brevets sur la nature tout entière !"

Jim Thomas

Membre de ETCGroup (Action group on Erosion, Technology and Concentration), www.etcgroup.org

In L’Ecologiste n°13, septembre 2004

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Le mouchard dans la peau

Les puces sous-cutanées, ces minuscules objets que l’on implante sous la peau humaine pour pister ou identifier des gens, ce n’est pas de la science-fiction. Alors demain, tous tracés ?

Le futur, c’est déjà aujourd’hui puisque, sans même que l’on s’en aperçoive, les nouvelles technologies sont en train de changer notre façon de vivre et même notre façon d’être. Certains cas relèvent a priori de la science-fiction et pourtant, ils font déjà partie de la réalité.

Une expérience a été menée dans une discothèque de bord de mer, à Barcelone, où une vingtaine de personne se sont fait greffer une puce dans le bras gauche, à hauteur de biceps, juste sous l’épiderme !

Cette puce à microfréquence est un minuscule objet en verre, de la taille d’un grain de riz, à l’intérieur duquel se trouve une petite mémoire où on peut stocker des informations... Les clients se sont fait greffer cet "Alien" sur une idée du patron de la discothèque.
La puce renferme leurs noms, leurs numéros d’identification ainsi que le crédit dont ils disposent dans l’établissement.

Autrement dit, elle joue à la fois le rôle de la carte d’identité et celui de portefeuille. Vous prenez une boisson au bar ? Hop, le coût en est débité sur votre compte directement, grâce à un scanner que l’on vous passe sur le bras et qui active la puce !

Est-ce que ça fait mal ? Paraît-il, pas plus qu’un vaccin. Trois petites piqûres anesthésiantes dans le bras avant de l’implanter lentement sous l’épiderme au moyen d’une seringue jetable...
Apparemment, ça a beaucoup plu (en plein dans la mode des modifications corporelles) et d’autres établissements s’apprêtent à lancer le même système. Mais cette puce n’est pas vouée à rester dans le monde de la nuit. Elle est déjà utilisée dans des applications autrement moins futiles et peut être plus inquiétantes.

Cette puce minuscule marche par fréquences radios. Dès qu’elle est sollicitée, elle émet un signal depuis sa position sous la peau pour indiquer, via un ordinateur, où se trouve la personne implantée.

Trois grandes applications ont déjà été testées :

• en Californie, à Los Angeles, cette puce a été posée pendant trois ans sur les prisonniers en liberté conditionnelle, pour qu’elle avertisse les autorités s’ils venaient à quitter la zone autorisée. Le test a été probant et a même été reconduit. Cette technologie est aussi très largement utilisée dans tous le pays pour pister des malades atteints d’Alzheimer ;

• au Mexique et en Floride, des sociétés privées ont lancé un service très demandé : implanter une de ces puces sous le bras des enfants, afin de prévenir les risques d’enlèvement. Muni de la puce, l’enfant devient repérable par réseau GPS. Les Américains en sont très friands ;

• en Australie, le personnel de quelques grands établissements bancaires a accepté que cette puce leur soit implantée d’office, pour surveiller leurs entrées et sorties des bâtiments.

Et en France ? La Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) a décidé que la puce sous-cutanée était illégale, à moins qu’elle puisse être neutralisée par le porteur lui-même quand bon lui semble, ce qui est pour l’instant impossible.

En tout cas, ces mouchards technologiques, qui font de nous des "cyborgs" pistés, tracés, fichés, accoucheront peut-être d’un monde plus sûr (argument majeur des défenseurs des puces sous-cutanées) mais aussi d’un monde où le droit à la protection de sa vie privée deviendra de plus en plus incertain...

Vu à la télé (sur France 5, septembre 2004)

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Création de l’Institute for Soldier Nanotechnologies

Le Massachusetts Institute of Technology (MIT) vient de remporter un appel d’offres lancé par l’armée américaine auprès d’une cinquantaine d’institutions de recherche, en vue de développer une technologie combinant uniforme protecteur, système de détection d’armes biologiques ou chimiques, et soins médicaux pour les soldats se trouvant sur le champ de bataille. D’une durée de cinq ans, le contrat ainsi décroché s’élève à cinquante millions de dollars. Dans ce contexte, le nouvel Institute for Soldier Nanotechnologies (ISN) ouvrira ses portes en avril prochain. L’ISN travaillera en collaboration avec le Massachusetts General Hospital et le Brigham and Women’s Hospital, tous deux situés à Boston, mais aussi l’Army Research Laboratory et l’Army Soldier Systems Center de Natick (Massachusetts), et en partenariat avec les entreprises Dupont et Raytheon. Dupont apportera son expertise en matière de polymères et de fibres synthétiques, tandis que Raytheon participera à l’intégration des systèmes. L’impressionnant défi lancé par l’Armée est d’intégrer à l’équipement du soldat un uniforme pare-balles léger capable de détecter la présence d’armes biologiques ou chimiques, de soigner une blessure et de localiser à chaque instant le combattant à partir de son Quartier Général. Si le MIT possède une longue tradition de travail en collaboration avec l’Armée, ce projet est le plus important de tous ceux qu’il a mené jusqu’à présent pour le compte des militaires américains. Quatorze millions de dollars seront investis dans ce programme par le MIT qui va consacrer également dix millions de dollars pour la rénovation des bâtiments de l’ISN. Par ailleurs, quinze millions de dollars seront versés par Dupont et Raytheon qui devront aussi assurer la commercialisation rapide des produits issus des recherches menées dans ce centre unique au monde.

Washington Post
20/0120/03

http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A15185-2003Jan19.html

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La Délégation Générale à l’Armement et le CEA signent une déclaration d’intention pour une coopération renforcée dans le domaine des composants électroniques

La Délégation Générale à l’Armement (DGA) et le commissariat à l’énergie atomique (CEA) viennent de signer une déclaration d’intention pour une coopération active dans le domaine des composants électroniques. Plus particulièrement, la DGA souhaite participer au nouveau pôle d’innovation MINATEC qui se crée à Grenoble autour du laboratoire d’électronique et de technologie de l’information (LETI) du CEA et qui veut devenir l’un des premiers centres européens pour les micro et nanotechnologies.

Ce partenariat devrait contribuer à satisfaire les besoins de la défense pour la veille technologique, l’accès aux technologies civiles les plus avancées et l’acquisition de technologies spécifiques.

Concernant la veille, le partenariat donnera à la DGA un accès à l’observatoire des micro et nanotechnologies, afin de repérer les ruptures à long terme relatives aux nanotechnologies, à l’électronique moléculaire, aux micro-sources d’énergie, aux matériaux et composants pour l’optique, ainsi qu’à l’instrumentation pour la biologie. Il permettra aussi à la DGA d’accéder à l’"IDEAS LAB", qui est une structure de réflexion sur les applications des technologies existantes, pour la veille à court-moyen terme et l’évaluation de la menace.

MINATEC constituera également un chemin d’entrée par lequel les industriels de la défense auront accès aux technologies les plus avancées en matière de microélectronique et de microsystèmes.
Ce partenariat permettra enfin d’optimiser les moyens nécessaires à la Défense en associant la DGA aux orientations de MINATEC. Ainsi, la DGA participera au choix des sujets de thèses, aux groupes de réflexion sur l’élaboration des programmes du CEA-LETI et cofinancera certains des programmes de recherche retenus.
Le CEA, pour sa part, renforce sa démarche de soutien à la Défense en mettant au service de la DGA les nouvelles structures d’innovations de MINATEC.

Ce partenariat traduit la volonté commune des deux acteurs, la DGA et le CEA, de mettre en commun leurs efforts de recherche et d’harmoniser leurs objectifs d’innovation technologique. La DGA renforce ainsi sa politique de collaboration riche déjà en accords avec les autres acteurs de la recherche française tels que le Centre National de la Recherche Scientifique, l’Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales, ou le Centre National d’Etudes Spatiales. Elle devrait permettre à la Défense de bénéficier des meilleures avancées techniques et de compétences accrues.

Communiqué de presse CEA/DGA

Grenoble, le 25/10/02

www.defense.gouv.fr/dga/fr/actualite/