En campagne pour Jean-Luc Mélenchon, l’émission Là-bas si j’y suis de Daniel Mermet sur France Inter diffusait, mercredi 4 et jeudi 5 avril 2012, un reportage de François Ruffin intitulé « Arkema et les vautours ». Où l’on apprend que le premier groupe chimique français s’apprête à céder, pour un euro symbolique, son « pôle vinylique » et les 2000 salariés qui vont avec, à un financier américain. Et François Ruffin d’accompagner les syndicalistes d’Arkema dans les QG de campagne des candidats à la présidentielle pour les « interpeller » sur ce scandale économique, et pour défendre l’idée en vogue dans cette campagne : la réindustrialisation de la France.
Pas un mot, durant ces deux émissions, sur l’activité du pôle vinylique d’Arkema et sur cette production qu’il s’agit de maintenir française. L’emploi n’a pas d’odeur, pas même celle du chlore qui sert à produire le chlorure de vinyle. Le chlorure de vinyle ? C’est un message, laissé sur le répondeur de l’émission ce jeudi 6 avril, qui renseigne l’auditoire :
« Merci à François Ruffin pour ce reportage intéressant, mais il me semble utile d’ajouter un complément d’information, pour préciser ce que fabrique le pôle vinylique d’Arkema. Celui-ci produit du chlorure de vinyle, connu par le grand public sous le nom de PVC. Le PVC est un produit classé cancérigène par l’Union européenne et par le Centre international de recherche sur le cancer. Il est notamment en cause dans l’apparition de cancers du foie. Il présente aussi des caractères mutagènes et reprotoxiques. Ceci concerne bien sûr les travailleurs des usines chimiques, dont beaucoup, en France ou aux Etats-Unis notamment, souffrent de cancer du foie, mais aussi tous ceux qui sont exposés à la pollution, entre autres par l’eau de boisson, à cause des déchets du PVC. On peut lire à ce sujet la note éditée par l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques) sur le chlorure de vinyle.
Le PVC est souvent associé aux phtalates pour rendre le plastique souple – pour les jouets ou nombre de produits de consommation courante. Les phtalates sont cancérigènes, mutagènes et responsables d’anomalies de la reproduction masculine.
Enfin l’incinération du PVC génère des dioxines, qui rendent malades et tuent les voisins des incinérateurs, comme à Gilly-sur-Isère en Savoie, ou près de Besançon – y compris avec des incinérateurs de nouvelle génération.
C’est cela, aussi, que défendent les salariés d’Arkema, et qui n’était pas mentionné dans le reportage. »
Ayant diffusé ce message à l’antenne, Daniel Mermet juge utile de le faire suivre d’un autre message d’auditeur qui vante, lui, « le savoir-faire et la dignité » de ces ouvriers menacés de délocalisation. Le producteur enchaîne sur « l’essentiel, l’essentiel (rire), qui est évidemment l’emploi et le chômage et la destruction de l’industrie dans ce pays, la désindustrialisation qui (…) est l’essentiel dans cette campagne ».
Bref, produisons des cancers français. Pour l’emploi, produisons du nucléaire français, des OGM français, des pesticides français, des nanotechnologies françaises. Ça tombe bien, Arkema est leader dans la fabrication des nanotubes de carbone, sous la marque GraphiStrength, avec son unité de production des Pyrénées-Atlantiques d’une capacité de 400 tonnes par an. Les nanotubes de carbone sont ces nanoparticules dont les effets sur les poumons rappellent ceux de l’amiante. Mais pour les syndicalistes comme pour les partisans du Front de Gauche et Là-bas si j’y suis, « l’essentiel, c’est l’emploi », autrement dit : « Nos emplois valent plus que nos vies ».
C’est ça, leur prétendue « planification écologique ». Quant à nous, libertaires et luddites, nous disons : brisons les machines à produire le cancer.
Pièces et main d’œuvre
Grenoble, le 6 avril 2012