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C’est du 10 juillet 1971, voici 50 ans, un demi-siècle tout rond, et de Saint-Vulbas dans l’Ain (01), que l’on peut dater L’An 01 de la reverdie comme disent les trouvères, avec sa devise encore à accomplir : « On arrête tout, on réfléchit, et c’est pas triste. »
Ce jour-là, à l’appel de Pierre Fournier (1937-1973) et de Gébé (1929-2004) dans Charlie Hebdo, ainsi que de leurs compagnons du comité Bugey-Cobayes, une sorte de croisade des enfants amena 15 000 marcheurs jusqu’aux grilles de la centrale du Bugey, pour la première grande manifestation anti-nucléaire et anti-industrielle de notre temps.
C’est de cette marche au soleil et de ces deux jours au bord de l’eau que s’ouvrit La Gueule ouverte, « le journal qui annonce la fin du monde » ; et de La Gueule ouverte que jaillirent les mots d’« écologie » et d’« écologistes ». C’est-à-dire le seul mot, la seule idée, le seul mouvement radicalement nouveaux à s’être imposés en politique depuis un demi-siècle : la défense indissociable de la nature et de la liberté ; du « vivant politique » (l’homme, le zoon politikon) dans un monde vivant, et contre l’incarcération de l’homme machine dans un monde machine.
Encore Fournier avait-il hésité : « "Naturistes", "végétariens", je me demande quel terme est le plus inepte, le plus inexact, le plus chargé d’interprétations funambulesques et d’avatars historiques regrettables. Je les refuse tous les deux, mais il n’y en a pas d’autre pour désigner les gens dont, grosso modo, je partage le combat » (L’Hebdo Hara-Kiri n°43, 24 novembre 1969).
Il y a débat. Nous préférons quant à nous la référence anarchiste « naturiste » (voir ici), clairement sensible, politique et anti-industrielle, mais Fournier se rangea sous l’autorité de l’« écologie » (Haeckel, 1866, Morphologie générale des espèces), de la science à laquelle tout le monde croyait alors, pour démontrer scientifiquement la catastrophe que les aveugles refusent toujours de voir.
Quant au vif, au fluide et subtil Gébé, son art élusif du « pas de côté » face à la Machine chargeant à pleine vitesse, vaut tous les arts martiaux et jeux de stratégie des théoriciens de « l’aliénation » - et avec le sourire encore.
Naturellement, de gauche à droite, les machinistes, technologistes et représentants de la classe technocratique s’efforcèrent – et s’efforcent toujours – d’étouffer, calomnier, infiltrer, récupérer, retourner, ce soulèvement vital et autonome que Ellul (1912-1994) et Charbonneau (1910-1996) avaient dès 1935 qualifié de « révolution » - avant que Fournier ne précise « révolution écologique ». Comme l’on n’est jamais si bien trahi que par les siens, un an après la mort de Fournier, et peu avant la candidature de René Dumont à l’élection présidentielle de 1974, La Gueule ouverte changea de sous-titre pour devenir « hebdomadaire d’écologie politique ». Ce fut le début d’une déchéance dont les technologistes Verts sont aujourd’hui les représentants, et « la croissance verte », le « Green New deal », le machinisme inclusif, tout le programme. Et on ne vous parle pas des biol’cheviques (sic) qui, à l’instar du fakir Ruffin, de Mélenchon, du NPA et des sectes putschistes, tentent aujourd’hui de tondre la verdure, comme ils s’efforçaient hier de l’expulser du champ politique. Rappelons tout de même un secret de Polichinelle : les journaux du moment 68, ce ne furent pas Rouge, La Cause du Peuple ni Actuel, excroissances parasites de l’intelligentsia bourgeoise, ni même Tout !, avec son slogan de quinzaine commerciale, « Que voulons-nous ? Tout ! », mais Hara-Kiri, Charlie Hebdo et La Gueule ouverte, les seuls et vrais héritiers de la gouaille populaire et libertaire.
Pour lire les notices, ouvrir le document ci-dessous.
Pour une version illustrée par Reiser et Fournier : ici.
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