36 ans après sa rédaction (1986), le monstre livre d’Alexandre Grothendieck (1928-2014) - presque 2000 pages de foisonnement poétique, philosophique, mathématique, d’enquête « sociologique », « ethnologique », et de méditation sur lui-même et sur son milieu de mathématiciens - voit enfin le jour (Editions Gallimard, col. Tel. 2 vol., 1932 p. 29,50 €)
Aurait-il été heureux de cette parution ? A coup sûr. Et non moins sûrement, il aurait eu honte de cette joie de paraître. Grothendieck avait la vanité honteuse.
Sa honte aurait tourné à la fureur de se voir publié « avec le soutien de l’IHES (Institut des hautes études scientifiques), grâce à la générosité d’Henri Seydoux », et de la « Fondation Cartier pour l’art contemporain. »
Tout ce que cet écologiste radical avait rejeté et déserté. La puiscience, la science (l’IHES) au service de la puissance - de l’innovation technologique - incarnée par Henri Seydoux, héritier de la famille Schlumberger, fondateur de start up (Parrot, Louboutin) ; et la consommation ostentatoire, dont la maison Cartier, filiale de Richemont, le deuxième groupe mondial de luxe, fait le florissant commerce.
Si vous voulez savoir pourquoi le patronage de l’Institut des hautes études scientifiques, financé par l’armée et déserté par Grothendieck en 1970, est une misérable imposture, lisez les propos d’Alexandre Grothendieck lui-même, « Allons-nous continuer la recherche ? », adressés aux physiciens du CERN, en 1972 (cf. ici).
Si vous voulez savoir qui fut Alexandre Grothendieck, génie mathématique, médaille Fields 1966, cofondateur de la revue Survivre, trois ans après les premiers articles de Pierre Fournier (1937-1973) dans Hara Kiri, lisez sa notice dans Notre Bibliothèque Verte (là). Et vous verrez que Grothendieck, objecteur de conScience, refusait toute contribution à la guerre industrielle contre la nature et la liberté, comme il refusait toute contribution du complexe scientifico-militaro-industriel à ses propres recherches. L’ermite retiré dans sa maison de Lasserre, en Ariège, n’aurait jamais accepté que des industriels du numérique et du luxe, se fassent une élégante et discrète promotion sur son dos ; ni de leur servir de caution et d’ethics washing.
Que voulez-vous, il aurait dû détruire son livre, transmis à nombre de personnes, à divers moments de sa conception, au lieu de se borner à interdire toute publication de son vivant. Avait-il laissé des instructions post mortem ? Explicites ? Mais à quoi bon, puisque, non plus que Kafka, il n’a brûlé son œuvre, laissant à ses héritiers la possibilité d’une trahison qu’il espérait peut-être, et dont nous profitons aussi. C’est l’hypothèse et le reproche que lui fait Romain, un garçon dont nous vous parlerons un jour, s’il finit son livre.
Evidemment, nous allons lire Récoltes et semailles, et tâcher d’en tirer plus que de la colère et de la douleur. Si un éditeur prend enfin, soudain, le risque commercial de publier l’énorme livre de Grothendieck, c’est peut-être aussi qu’après deux années de « crise sanitaire », l’idée se fait jour que les chances de survie et de liberté pour l’humanité dépendent du renversement de la caste scientifique ; le cerveau dirigeant de la technocratie dirigeante.
Les lecteurs désireux de creuser cette idée peuvent commander notre Pièce détachée n°94, contenant "Allons-nous arrêter la recherche ?", d’Alexandre Grothendieck, et "Devons-nous arrêter la recherche ?", de François Graner, chercheur et biophysicien (voir ici).
Pour la recevoir, envoyer un chèque de 5 euros à l’ordre de Service compris :
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