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Les compagnons de Giono, ceux de sa communauté du Contadour, anti-industriels « naturiens » et pacifistes, et tous ses amis syndicalistes et anarchistes, se demandèrent longtemps, avec colère parfois, comment leur maître à penser, l’enragé prêcheur de la société paysanne et du pacifisme intégral, signataire d’un ultime Appel à la paix au dernier jour d’avant-guerre, avait pu à ce point les « trahir » et obéir piteusement à l’ordre de mobilisation.
On le taxa de lâcheté et de fanfaronnerie, d’avoir eu les mots plus gros que les actes. Ceux qui l’avaient pressé, contraint presque, à dire ces mots, les retournant désormais contre lui. Giono lui-même, à 44 ans, semble avoir hésité jusqu’au dernier moment à filer en Suisse. On incrimina Elise, la mère de ses deux filles, qui l’aurait retenu afin de préserver leur foyer. On s’en prit à Blanche, sa folle amante, pour qui Giono aurait « trahi » ses idées. Celle-ci refusant également de le perdre pour des années.
Il leur avait pourtant dit à tous et à maintes reprises : « La prison ne sert qu’à briser les meilleurs d’entre nous ». « Que chacun fasse son compte et décide pour lui. » Vivre d’abord - pour des idées, d’accord - mais à l’air libre, de corps et d’esprit.
Le petit commis de banque, tourné poète-prophète, s’éveilla de sa transe le 3 septembre 1939, pour se cogner à l’échec de ses dix années de mission, désertant dès lors jusqu’aux rangs des déserteurs, comme bien d’autres qui ne s’étaient pas tant démenés contre la guerre à venir.

Certes, Giono n’était pas l’intraitable Louis Lecoin (1888-1971), l’anarcho-pacifiste si souvent emprisonné pour ses menées antimilitaristes. Emprisonné, il le fut pourtant lui aussi en ce début de guerre nouvelle, comme il le fut derechef à la fin d’un conflit qu’il traversa en trébuchant, veillant sur sa famille élargie (sept bouches à nourrir), secourant tant bien que mal ses hôtes réfugiés, juifs, allemands, au milieu des morts et des misères. La Machine ne pardonne jamais au grain d’homme d’avoir voulu lui échapper.

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