Disponible en librairie : Notre Bibliothèque Verte (deux volumes). Voir ici
Les Shadoks et Nino Ferrer dans Notre Bibliothèque Verte ? On voit d’ici les mines perplexes, surprises et déconfites.
« Franchement, ça devient n’importe quoi cette bibliothèque, c’est pathétique. Ils exhument un chanteur inconnu et un auteur de dessins animés au lieu de parler des Gens Vraiment Importants ; des Écologistes de la Dernière Vague ; écotechnologistes, écollaposologues, écosocialistes, écoféministes, écodécoloniaux, écoqueers, etc. »
Bref, tous les prédateurs, parasites et récupérateurs venus surfer sur cette marée verte (voir ici), commencée il y a 50 ans, et qui ne cesse depuis de monter, prenant des allures de cataclysme final, entre déluge et tsunami.
Où que vous soyez, accourez braves gens !
L’eau commence à monter, soyez plus clairvoyants
Admettez que bientôt, vous serez submergés
Et que si vous valez la peine d’être sauvés,
Il est temps maintenant d’apprendre à nager
Car le monde et les temps changent.
Bob Dylan en 1964. Hugues Auffray, le prophète des feux de camp, en 1965. « Et voilà ! Maintenant, ils nous passent Radio Nostalgie ! », ricaneront nos écofuturistes.
C’est qu’il y eut un moment, vers la fin des « Trente Glorieuses », où la jeunesse des pays occidentaux, une partie d’entre elle du moins, se révolta contre son conditionnement industriel, s’emparant de signes qu’elle décelait dans l’air du temps. Les observateurs parlèrent de « malaise de la jeunesse » et de « crise de civilisation ». Il fallait être extra-lucide pour détecter ces allusions sibyllines. Davantage, parfois, que les auteurs qui avaient mis ces signes en circulation, sans toujours les charger du sens qu’y mettaient « les jeunes ». Comme bien des oracles, ils prophétisaient à leur insu, se réservant le sens, ou le laissant à l’interprétation du public et des penseurs. L’important n’était pas le goût de Nino Ferrer pour les belles bagnoles, ni, hélas, les films d’entreprise de Jacques Rouxel, l’auteur des Shadocks ; mais que le premier ait dédié ses plus beaux blues au sentiment de la nature, et que le second ait produit, de l’intérieur, avec la série des Shadoks, une tordante satire de l’esprit technocratique dont les maximes sont passées à l’état de poncifs :
« Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? »
« Ce n’est qu’en essayant continuellement que l’on finit par réussir. Plus ça rate et plus on a de chances que ça marche. »
« S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème. »
« Pour qu’il y ait le moins de mécontents possible, il faut toujours taper sur les mêmes. »
« Il vaut mieux pomper même s’il ne se passe rien, plutôt que de ne pas pomper et de risquer qu’il se passe quelque chose. »
« Ce n’est qu’en pompant que vous arriverez à quelque chose, et même si vous n’y arrivez pas, eh bien ça ne vous aura pas fait de mal… »
« Il vaut mieux mobiliser son intelligence sur des conneries, que de mobiliser sa connerie sur des choses intelligentes. »
Etc.
Quoi d’autre. Ah oui, Nino Ferrer s’est tué d’un coup de fusil en 1998, dans sa ferme de Montcuq, où il était « retourné à la terre », 50 ans avant nos néo-ruraux diplômés. Il continuait à composer, enregistrer et donner des concerts. Quant à l’élusif Jacques Rouxel, il s’est dématérialisé en 2004, tel le chat du Cheshire, sans que personne, semble-t-il, n’ait réussi à percer « ce qu’il pensait vraiment. » Mais qu’importe, les Shadoks parlent pour lui.
(Pour lire les notices, ouvrir le document ci-dessous.)
Lire aussi :
– George Byron et Mary Shelley - Notre Bibliothèque Verte n°41 & 42
– Vladimir Arseniev et Georges Condominas - Notre Bibliothèque Verte n°43 & 44
– Pierre de Ronsard & William Blake - Notre Bibliothèque Verte n°45 & 46
– Philip K. Dick & Richard Fleischer - Notre Bibliothèque Verte n°47 & 48
– Clifford D. Simak & Pierre Boulle - Notre Bibliothèque Verte n°49 & 50
– Jean-Jacques Rousseau & Bernardin de Saint-Pierre - Notre Bibliothèque Verte n° 51 et 52