Nous avons reçu ce communiqué de "Sauvons l’Université !", à propos d’une affaire de fraude scientifique au CNRS.
Nous sommes d’accord pour sauver l’université s’il s’agit d’un retour au trivium et au quadrivium de la vieille Sorbonne.
Quant à la fraude scientifique, elle est juste un indice de l’appétit de lucre et de réussite sociale d’une corporation qui n’a pas besoin de frauder pour développer CRISPr-Cas9, le nucléaire ou la biologie de synthèse (pour faire court).
La fraude n’est que la partie émergée de la corruption, c’est à ce titre que nous reproduisons ce communiqué.
Lettre ouverte d’un groupe d’experts anonyme concernant le rapport de la commission anonyme ayant enquêté sur les publications dont Mme Jessus est co-auteur 18 avril 2018
mercredi 16 mai 2018, par Tournesol, Pr.
« Les atteintes à l’intégrité scientifique décrédibilisent les travaux de recherche, nuisent à l’image des institutions et contribuent à altérer la confiance que le public accorde aux chercheurs et à la science en général », peut dont lire dans le guide « pratiquer une recherche intègre et responsable » édité par le CNRS en 2017 (1).
Pour faire face de façon appropriée et prévenir les manquements à l’intégrité scientifique, qui peuvent aller de l’erreur de bonne foi jusqu’à la fraude caractérisée, les universités et les organismes de recherche français ont édité, en 2014, une charte de déontologie des métiers de la recherche (2).
Conformément à cette charte, l’Université Pierre et Marie Curie, devenue Sorbonne Université en janvier 2018, a nommé un délégué à l’intégrité scientifique chargé de recueillir les signalements de manquement à l’intégrité scientifique. Elle a aussi organisé un cycle de conférences sur l’éthique de la recherche destinées aux chercheurs et aux doctorants (3). Le CNRS également cosignataire de cette charte, a mis en place depuis 1994, une instance consultative et indépendante, le comité d’éthique du CNRS (COMETS) constitué d’un président et de 12 membres nommés par le conseil d’administration du CNRS, représentant toutes les disciplines de l’institution. Le COMETS est l’auteur du guide « pratiquer une recherche intègre et responsable » cité plus haut (1)
Les réseaux sociaux se sont aussi emparés de la promotion à l’intégrité scientifique. Le site PubPeer par exemple, a été conçu comme une plateforme de signalement de fraudes post publication qui ont échappé aux relecteurs traditionnels des revues scientifiques à comité de lecture. Les allégations de fraudes sont suivies de débats ouverts à toute la communauté des chercheurs. Grâce à l’anonymat garanti par la plateforme, les lanceurs d’alertes peuvent signaler d’éventuels manquements à l’intégrité scientifique tout en étant protégés contre des représailles certaines de leur hiérarchie.
Le COMETS encourage les institutions à « considérer positivement les initiatives innovantes des réseaux sociaux scientifiques et prendre en compte les ressources qu’ils fournissent, ne serait-ce que pour suivre les débats scientifiques qui s’y développent, et aussi pour réagir à d’éventuels lancements d’alerte dans des domaines où la tricherie serait sinon passée inaperçue » (1).
En septembre 2017, ces deux institutions ont dû faire face à plusieurs allégations de fraude publiées sur le site PubPeer concernant des manipulations d’images sur 21 figures publiées dans 11 articles dont Madame Catherine Jessus (directrice de recherche au CNRS, ancienne directrice de l’UMR SU-CNRS 7622, ancienne directrice de l’Institut de Biologie Paris Seine (IBPS) et actuelle directrice de l’institut national des science biologique du CNRS (INSB)) est coauteur.
Fort de leur rôle pionnier dans la promotion de l’intégrité scientifique, les deux institutions ont assez rapidement nommé une commission d’enquête chargée de déterminer la véracité de ces allégations. Après un travail d’enquête de 4 mois, le rapport de cette commission, que le CNRS a choisi de ne pas garder confidentiel, a été rendu public le 21 février 2018 et peut être consulté sur la page Web de l’institution :
— http://www2.cnrs.fr/sites/communique/fichier/rapport_conclusions.pdf
— http://www2.cnrs.fr/sites/communique/fichier/rapport_analyse_detaillee.pdf
— http://www2.cnrs.fr/sites/communique/fichier/annexe1.pdf
Nous, généticiennes, généticiens, biochimistes, biologistes cellulaires et moléculaires, avons lu ce rapport, l’avons analysé, critiqué point par point et pouvons conclure que tous les arguments de la commission d’enquête vont à l’encontre de toutes les règles communes de bonnes pratiques scientifiques et d’interprétation des résultats qui constituent le fondement de l’intégrité en recherche. Pire encore, et c’est la raison qui nous a poussé à réagir (voir notre lettre ouverte), il encourage les manipulations d’images qui sont pourtant reconnues comme des fabrications et des falsifications de résultats .
Nous sommes ici face à un paradoxe : bien que tout soit mis en place pour lutter contre la fraude scientifique au CNRS et à SU, il semblerait que la dissimulation de la fraude, grâce à un rapport trompeur, mensonger, ait été néanmoins la solution choisie et assumée (puisque rendue publique) par les deux institutions.
L’imposture vient-elle des institutions qui mettent l’accent sur la communication sur l’intégrité scientifique sans en assurer les moyens effectifs en nommant une commission incompétente ? Des membres de la commission qui auraient un quelconque intérêt à être indulgents avec la fraude de leurs collègues ? pour dissimuler la leur ?
Cette dernière hypothèse fait écho à une autre affaire de fraude concernant le même type de modification d’image révélé par PubPeer et concernant le laboratoire de la biologiste Anne Peyroche. Anne Peyroche était en effet membre du COMETS, avant sa nomination le 24 octobre 2017 à la présidence du CNRS par intérim puis son remplacement anticipé par Antoine Petit le 18 janvier suite aux soupçons de fraude révélés par PubPeer. Aurait-elle contribué à dissimuler, en tant que membre du COMETS puis présidente du CNRS, les fraudes réalisées dans le laboratoire de Catherine Jessus pour minimiser celles réalisées dans le sien ? La fraude est elle si largement répandue pour que deux personnes à la tête du CNRS soient incriminées ? Ou bien la fraude est elle le moyen d’accéder aux postes de responsabilité au CNRS ?
Les soupçons qui entachent les auteurs dépassent les suspicions de fraude puisqu’ils engagent maintenant les deux institutions commanditaires du rapport d’enquête. Le CNRS et SU ne peuvent pas clore cette affaire sans passer par un traitement intègre, objectif et transparent de la fraude scientifique comme ils se sont engagés à le faire en signant la charte de déontologie des métiers de la recherche (2).
Références citées :
(1)http://www.cnrs.fr/comets/IMG/pdf/guide_promouvoir_une_recherche_inte_gre_et_responsable_8septembre2014.pdf
(2) http://www.cnrs.fr/comets/IMG/pdf/charte_nationale__deontologie_signe_e_janvier2015.pdf
(3) : http://www.ifd.upmc.fr/fr/le-deroulement/formation/conference-sur-l-ethique-de-la-recherche.html