Après l’agression contre Alexis Escudero et les éditions Le Monde à l’envers, au salon des éditions libertaires de Lyon le 22 novembre 2014, par des anarchistes de la CGA (lire ici), c’est au tour de Marie-Jo Bonnet d’être interdite de conférence au centre LGBT de Paris.

Communiqué du CoRP suite à l’annulation de la conférence de Marie-Josèphe Bonnet au centre LGBT de Paris

Le 9 décembre prochain, une conférence de Marie-Josèphe Bonnet, historienne des femmes et militante féministe, co-fondatrice des Gouines Rouges et du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (FHAR), était programmée au centre LGBT de Paris.
Cette conférence devait porter sur « Résistance – Sexualité – Nationalité à Ravensbrück. » Elle était organisée par l’association « les oubliés de la mémoire », qui est une « association mémorielle nationale, reconnue par les pouvoirs publics et les institutions, qui œuvre à la connaissance de la déportation pour motif d’homosexualité et sa reconnaissance en France et au-delà. »

Jusqu’ici, tout est normal : Marie-Josèphe Bonnet travaille sur la Résistance, elle prépare actuellement un livre sur l’amitié entre femmes dans les camps de concentration. Féministe, historienne, lesbienne, elle est la personne qui convient au lieu qui convient. The right person in the right place, disent les Anglais.

Mais l’engagement de Marie-Josèphe Bonnet contre le trafic de la maternité pour le compte d’autrui dérange. Dérange au point de voir son engagement calomnié, qualifié de « propos très virulents – et proches des arguments de la manif pour tous » dans un mail envoyé par le Centre LGBT de Paris à l’association les oubliés de la Mémoire. Il suffit de lire les interviews de Marie-Josèphe Bonnet et son livre « Adieu les rebelles ! » paru au début 2014 dans la collection Café Voltaire de Flammarion, pour savoir qu’elle a pris position contre la manif pour tous « les vrais réacs » face aux « faux progressistes » du mariage pour tous.
Marie-Josèphe Bonnet dérange au point que le Centre menace l’association « les oubliés de la mémoire » d’un risque sur la sécurité, et somme l’association de prendre « toutes les dispositions nécessaires, avec ses propres moyens, pour assurer la sécurité des volontaires du Centre, des participants et usagers du centre ».

Voyons : où est donc le danger ? Est-ce Marie-Jo Bonnet, ses 1,55 m, ses 50 kgs de muscles et ses convictions pacifistes, qui sont menaçants ? Non, bien sûr, et le Centre précise d’ailleurs ses menaces : « il n’est pas a exclure que des personnes tentent de perturber le débat du fait des prises de positions très contestées de Marie-Jo Bonnet… »

Cette conférence dérangeait tellement qu’elle a été annulée. Cette annulation montre qu’il est interdit de parler aux membres du Centre LGBT, fût-ce de tout autre chose, quand on ne partage pas ses positions « dominantes » (?). Elle montre aussi que l’identité communautaire du Centre LGBT se construit contre la « manif pour tous », dans un affrontement entre deux blocs qui rappelle la guerre froide des années 1960. Il n’est donc pas autorisé de chercher la voie du milieu…

Cette conférence portait sur les crimes de l’Occupation, sur les nombreuses privations de liberté subies sous le nazisme et l’Occupation.
Elle a été annulée par crainte que des extrêmistes ne s’en prennent à une femme, lesbienne, historienne, féministe, qui se bat pour la liberté de toutes les femmes.
Le CoRP dénonce ici un sectarisme dangereux et une dérive liberticide. Ce n’est hélas pas la première privation de parole dont nous sommes les témoins.

Que vous partagiez ou non les convictions de Marie-Josèphe Bonnet, le CoRP appelle à un sursaut républicain tous les amoureux de la liberté d’expression, afin que sa conférence soit re-programmée, sa sécurité assurée par le Centre LGBT lui-même, et que le débat puisse enfin se dérouler de façon sereine : sans calomnie, sans menace, dans la paix.

(Source : http://collectif-corp.com/2014/11/27/communique-suite-a-lannulation-de-la-conference-de-marie-josephe-bonnet-au-centre-lgbt-de-paris/)

***

Communiqué de la Coordination Lesbienne en France

« Marie-Jo Bonnet, historienne du féminisme et des questions d’homosexualité, devait intervenir le 9 décembre 2014 au Centre LGBT Paris sur Résistance-Sexualité-Nationalité à Ravensbrück suite à l’invitation de l’association « Les oubliés de la mémoire ».
Cette conférence a été annulée au motif que sa sécurité ne pouvait être assurée (!)

Dans un premier temps, il avait été dit que le Centre LGBT Paris était à l’initiative de cette annulation, mais en réalité ce sont les organisateurs de cette conférence « Les oubliés de la mémoire » qui en ont pris la décision.
Certes, ce n’est pas le Centre LGBT qui annule la conférence, mais le courrier qu’il adresse aux « Oubliés de la mémoire » marque un désaveu de la personne de Marie Jo Bonnet, non pas sur le contenu de son intervention, mais contre sa personne pour les positions qu’elle a prises et qui vont de l’opposition à la légalisation de la GPA à la critique des orientations actuelles de certaines tendances du mouvement LGBT. Ces positions et critiques sont d’ailleurs avancées par d’autres groupes du mouvement et portées en particulier par des lesbiennes féministes.

Ce désaveu est assorti d’une menace latente sous la forme de perturbateurs (hypothétiques ou réels et dans ce cas, qui sont ils ?) au débat. Par anticipation, le centre dégage toute responsabilité en cas d’éventuels incidents en la reportant sur les promoteurs de cette conférence : les Oubliés de la mémoire.

Les Oubliés de la mémoire, sans s’opposer à cette décision, annulent la conférence en formulant toutefois leur désaccord sur le motif de rejet implicite de la conférence : la personne publique de Marie Jo Bonnet , de plus ils soulignent à juste titre que le centre LGBT en tant que « maison de ressources communes aux lesbiennes, gay, bi et trans …devrait accueillir toutes les expressions majoritaires comme minoritaires ».
Pour nous, la démarche du centre LGBT de Paris nous semble regrettable, voire abusive, à plus d’un titre :
– Elle prive le public du centre de l’accès à des recherches qui peuvent intéresser un large public et en particulier des lesbiennes ;
– Elle prend, de fait, le caractère d’une sanction personnelle, voire un boycott, infligés à une personne reconnue pour ses implications militantes ;
– Elle donne des gages, avant même qu’ils se manifestent, à certains groupes de pression parfois virulents non pas vis-à-vis d’idées ni d’opinions, mais vis-à-vis de personnes, ce qui n’est pas acceptable.
Nous regrettons aussi que les Oubliés de la Mémoire qui, bien qu’en désaccord avec le Centre, ne lui oppose aucune résistance, ce qui revient, dans une certaine mesure, à se désolidariser de Marie Jo Bonnet.
Une fois de plus, nous décelons ici, certaines tendances de groupes de pression ou d’individus à s’en prendre nommément à une personne et non à des idées ou à des opinions. Dans cette situation, nous nous sentons donc solidaires de Marie Jo Bonnet comme de toutes celles, lesbiennes féministes, qui, avant elle, se sont vues agressées, contestées, attaquées, mises en cause, menacées dans leur personne pour les positions courageuses qu’elles assumaient. »

La CLF