Conflits d’intérêts

Scientifiques, hors du débat
sur la biologie de synthèse !

"Dans le monde ancien, les experts existent, mais leur domaine est celui de la "technê", domaine où l’on peut se prévaloir d’un savoir spécialisé et où l’on peut distinguer les meilleurs des moins bons : architectes, constructeurs navals, etc. Mais il n’y a pas d’experts dans le domaine de la politique. La politique est le domaine de la "doxa", de l’opinion, il n’y a pas d’"épistémê" politique ni de "technê" politique. C’est pourquoi les "doxai", les opinions de tous, sont, en première approximation, équivalentes : après discussion, il faut voter."
(C. Castoriadis, La montée de l’insignifiance)

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L’actualité des chimères biologiques s’accélère. Les colloques s’enchaînent (quatre en huit jours début décembre), tandis que Geneviève Furioso profite de ses moyens de ministre pour avancer un dossier qu’elle a classé prioritaire.

Deux sujets dominent les discussions. 1) l’état des recherches, de leurs applications et du business réalisé et espéré ; 2) l’acceptabilité de la biologie de synthèse et l’anticipation d’une contestation redoutée.
D’où il ressort que nous sommes en retard sur cette vague nécrotechnologique dont le déferlement s’annonce prochain, mais aussi dans les temps pour analyser ses origines, ses projets et leurs conséquences pour nos vies et la planète ; donc pour la contester à propos. La biologie de synthèse est une innovation politique. Elle bouleverse la Vie et le reste. Comme d’ailleurs l’ensemble des technologies convergentes.

Les experts en biologie synthétique et en sciences sociales s’interrogent sur la manière d’organiser le « dialogue science/société ». Il n’y a pas de dialogue possible avec ceux qui sont juges et parties, et personnellement intéressés à la poursuite de leur activité. Il faut interdire aux membres du lobby scientifico-industriel de s’exprimer en tant que spécialistes de la biologie de synthèse, ou des technologies convergentes, sur l’opportunité ou non de développer celles-ci. Ils sont en situation de conflit d’intérêts – et ce même quand ils endossent leur costume de « citoyen ».

À supposer qu’on mette les déclarations de guerre en délibération devant l’assemblée des citoyens (comme à Athènes), il serait indécent de laisser Dassault, EADS, les fabricants et marchands d’armes s’exprimer sur le sujet. Ne demandons pas aux experts et profiteurs des nécrotechnologies, du Genopole, de Total, d’Amyris, leur avis sur l’opportunité de déclarer la guerre au vivant. Mais si nous, le peuple, les citoyens, les humains, décidions de déclarer la guerre au vivant - alors nous pourrions demander le conseil des experts en biologie synthétique, les meilleurs ennemis du vivant, sur les moyens de développer cette innovation. Ils savent s’y prendre.

Au sommaire du numéro 19 :
 p. 2-3 – La recherche vue de l’intérieur
 p. 4 – La manip’ d’acceptabilité anglaise bientôt clonée en France
 p. 5 - Le directeur du Genopole d’Evry nous écrit (encore) et nous lui répondons (derechef)
 p. 6-7 – Pourquoi la biologie de synthèse est une folie

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