Le présent a-t-il besoin de nous ?

En avril 2000, voici des âges de cela, le chercheur Bill Joy, co-fondateur de Sun Microsystems, publiait dans Wired, mensuel américain le plus technolâtre du monde, une mise en garde intitulée « Why the future doesn’t need us ». Il pointait les risques d’emballement et d’autoréplication en particulier dans les bio et nanotechnologies, mais aussi l’évincement accéléré de l’homme par un système d’automatisation générale, dit de « planète intelligente ».

Ce futur est déjà notre présent et nous sommes ici à l’endroit idéal, dans la technopole, pour l’exposer. Outre leurs multiples applications industrielles, les technologies convergentes (Nano-Bio-Info-Cogno) rendent possible le pilotage cybernétique du monde, des masses et des individus, grâce aux puces RFID. L’asservissement se conjugue avec l’évincement. La société de contrainte s’implante dans les cerveaux grâce aux nano-électrodes de Clinatec. L’industrie solaire prend son essor grâce aux capteurs nanostructurés de Soitec et du CEA-Léti. La biologie de synthèse, la fabrique du « vivant artificiel », est soutenue par Geneviève Fioraso, ministre de la Recherche et de l’enseignement supérieur, celle-là même qui depuis vingt ans, avec ses partenaires de l’écosystème local, a propulsé Minatec et tous les projets techno-industriels grenoblois. Ces projets, célébrés dans les rapports de Jean-Louis Beffa, grand patron du CAC40, et de Christian Blanc, préfet et grand patron d’entreprises publiques, ont suscité la création des « pôles de compétitivité » et la politique de recherche et développement depuis deux ou trois lustres. Jean-Louis Beffa étant aujourd’hui, selon Le Monde, l’un de ces patrons « qui parlent à l’oreille de François Hollande ».

Il n’a échappé à personne, durant les dernières campagnes électorales, que « la réindustrialisation de la France » était la grande affaire du moment. Celle-ci passe par « l’innovation », c’est-à-dire par cette accélération technologique évoquée plus haut. Cette accélération a un prétexte : la création d’emplois, qu’elle détruit par ailleurs. Elle a ses partisans : la classe technocratique, la caste politico-médiatique, y compris les progressistes du Front de Gauche et du Monde diplomatique, dont on lira ici le sinistre plaidoyer en faveur des nécrotechnologies.

Elle a aussi ses opposants, dont les activistes radicaux, libertaires et luddites, ne sont que la pointe émergée. Le grand nombre subit avec un abattement et un désespoir croissants le progrès de la tyrannie technologique. Les plus enthousiastes dans la soumission frénétique se réveillent un jour, épuisés et dégoûtés. À nous de donner et de nommer les raisons de cette opposition afin de la rendre consciente d’elle-même.

Sommaire
 p. 2 – Nano news
 p. 3-6 – Actualités de la Planète intelligente
 p. 7-8 – Intox nano et nano-toxicité
 p. 9-10 – Nouvelles de Clinatec
 p. 11-14 – Actualités de l’acceptabilité
 p.15 – Rubrique luddique
 p. 16 - Librairie

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