Toujours en librairie : Le Règne machinal (la crise sanitaire et au-delà). Voir ici

Un ami informé nous fait suivre ce courrier envoyé par le service « Economie agricole » de la préfecture de la Nièvre aux exploitants agricoles en ce mois de juin 2022. On y lit ceci :

« Dans le cadre de la future programmation de la Politique agricole commune (PAC) 2023-2027, la Commission européenne a introduit un nouveau composant intitulé "système de suivi des surfaces en temps réel" (3STR) à compter du 1er janvier 2023.
[Celui-ci] se base sur l’analyse de l’activité agricole et des couverts implantés, analyse réalisée par le biais d’images satellites en continu, traitées informatiquement par l’intelligence artificielle. […]
Dans ce cadre, des exploitants seront sollicités par la DDT afin de fournir des photos géolocalisées pour vérifier certaines données analysées (couverts implantés et activité agricole) via une application sur smartphone. »

Suit un lien vers une vidéo (« Parlons PAC 2023 » sur Youtube) qui invite les exploitants à rejoindre la campagne de test du dispositif. On y suit Michel Texier, producteur de cyber-pommes de Haute-Vienne, nez sur l’écran de son smartphone au milieu de son unité de production industrielle - arbres alignés comme des poteaux surmontés de filets, sol quasi nus, à perte de vue : « l’application nous guide jusqu’au point fixe sur lequel on doit se rendre pour prendre la photo », nous explique-t-il, soulagé que cet autoflicage lui évite des tracasseries administratives.

Il y a quinze ans de ça, quand nous alertions contre le puçage électronique des animaux et des humains, Pierrot, notre copain paysan, nous avait déjà parlé du contrôle des parcelles par satellite. La contrepartie des subventions européennes, expliquait-il. Tu veux l’argent, tu te soumets. Ne t’avise pas de semer de l’orge au lieu de blé, la constellation satellitaire Copernicus (« Europe’s eyes on Earth », sic) te dénonce sitôt le grain levé. Et prière de tailler les arbres en bordure qui masquent les parcelles.

Toute dignité abdiquée, voici les employés agricoles de l’Europe qui collaborent à leur propre machination. Ils viennent en renfort des satellites pour alimenter de leurs photos géolocalisées les bases de données cybernétiques. A défaut de nourrir correctement les humains, ils nourrissent les intelligences artificielles qui pilotent bientôt leurs tracteurs autonomes, les drones et les robots pour les remplacer dans leurs exploitations. C’est ainsi que les machines nous alimentent, et que nous dépendons toujours plus du règne machinal pour notre survie.

La revue Nature & Progrès nous a demandé pour son numéro d’avril-mai 2022 une mise à jour sur la machination de l’agriculture - dans sa version cybernétique notamment - et sur notre dépendance à l’égard du technotope. D’où le titre de notre papier : « Démonter le monde-machine ».

Le dossier du numéro, intitulé « Quels outils, pour quels paysans ? », comprend également des articles sur la traction animale, le bélier hydraulique et les ingénieux bricoleurs de l’Atelier paysan. Réjouissant à lire, pour nous et pour les lecteurs en quête de « solutions alternatives » - et tant mieux si les élèves ingénieurs renient leur dressage pour s’intéresser à la terre.

Pour lire l’article, ouvrir le document ci-dessous.

Pour commander la revue : Nature & Progrès, 13, bd Louis Blanc - 30100 Alès (Tél : 04 66 91 21 94).