Il y a des semaines où Charlie Hebdo nous coûte bien plus que 3 € ; quand Riss par exemple, le directeur de la rédaction, nous insulte dans son édito, nous les opposants à la technocrature et au passe sanitaire (1), en termes massifs et contondants, comme dans le numéro de cette semaine :

« … la raison impose de ne pas sombrer dans une pensée systématique qui analyse tout de la même façon, de manière quasi pavlovienne : Etat = autorité = abus de pouvoir = répression = fascisme. Les amalgames et les raccourcis sont si séduisants à faire qu’ils en deviennent grisants, et celui qui les adopte se sent pousser les ailes d’un glorieux défenseur de la liberté contre les forces colossales et, à ses yeux, quasi occultes. Car dans cette crise le mot "liberté" est mis à toutes les sauces, un mot pris en otage par les populistes, dont les leaders en perte de vitesse se sont affichés à la manifestation de samedi. » (Charlie Hebdo n°1513, 21 juillet 2021)

Il y a des semaines, disions-nous, où la lecture de Vuillemin, Willem, Kuper et Nicolino, peine à soulager les lourdeurs d’estomac parfois ressenties à celle des balourdises homaisiennes de Riss, Biard ou Fischetti. « Homaisiennes », de monsieur Homais, le pharmacien de Yonville, archétype de l’« esprit fort » à prétentions rationalistes dans Madame Bovary (1857), et de la vanité scientiste imbue d’elle-même. Voilà qui fera ricaner la cabale des dévots, d’Edwy Plenel à Caroline de Haas – il ne faut plus dire « islamo-gauchistes » - en passant par Mélenchon, Besancenot & Cie. – Bien fait, diront-ils, ça vous apprendra à acheter un torchon islamophobe – il faut dire « islamophobe » maintenant, et non plus « laïque » ou « anti-clérical ».
A vrai dire, on n’achetait plus Charlie Hebdo depuis le mitan des années 70 et il n’a pas fallu moins que le massacre de janvier 2015, le massacre d’une équipe de presse par des islamo-fascistes pour recommencer à l’acheter : chaque semaine.

3 € par semaine, ce n’est rien pour contribuer à la sécurité des survivants de Charlie, payer les gardes, le blindage des locaux – que sais-je ? Ce n’est rien pour racheter l’immonde veulerie de la gauche, modérée, extrême, ultra, etc., de cette gauche dont se réclament Riss, Biard, Fischetti, etc., et qui les a si vilement livrés à la vindicte islamiste. Riss, Biard, Fischetti, Nicolino et leurs camarades n’ont pas abdiqué l’honneur d’être la cible des islamo-fascistes, soutenus par les islamo-gauchistes. 3 € par semaine, ce n’est rien pour contribuer à la survie du seul journal qui défende la laïcité en France et qui donne la parole aux athées, laïques, féministes des pays islamistes. 3 € par semaine, ce n’est rien pour permettre à Riss de nous insulter à sa guise, sans savoir, fièrement immunisé contre toute critique radicale de la société industrielle et du techno-totalitarisme. Quitte à se planquer derrière Nicolino, comme Cavanna se planquait derrière Pierre Fournier (2). Quitte à émettre quelques bouffées sporadiques contre le smartphone, la 5G ou les fumées de Lubrizol. Il ne voit rien et commet les amalgames dont il accuse les opposants au passe sanitaire :

« Chaque jour dans le monde, des milliers de cadavres viennent s’empiler sur ceux qui les ont précédés, et il faudrait refuser la seule protection efficace que constitue ce vaccin sous prétexte qu’il aurait l’inconvénient de devenir obligatoire ? (…) On n’ose imaginer les décisions terribles que les pouvoirs publics devront prendre dans les années à venir quand les effets du réchauffement climatique frapperont avec une violence inouïe les populations du monde. Le pass sanitaire est bien peu de chose à supporter en comparaison de ce qui nous attend. » (Charlie Hebdo n°1513, 21 juillet 2021)

« Ce qui nous attend » est inéluctable, suivant notre collapsologue, et qu’on ne compte pas sur lui pour combattre « les décisions terribles que les pouvoirs publics devront prendre dans les années à venir. » Mais voici deux cent ans, depuis la « révolution thermo-industrielle » en 1783, que « les pouvoirs publics (…) prennent des décisions terribles », dont les effets, tels que l’épidémie de Covid (3) et le réchauffement climatique, nous frappent maintenant, depuis des années, et de plus en plus violemment. De sorte que s’il restait quelque chose de rationnel à faire pour « les populations du monde », ce serait de combattre les pouvoirs publics et leurs décisions terribles.

Nul ne peut en vouloir à Riss d’arriver à la fin de cette histoire, mais il pourrait se renseigner sur ceux qui l’ont précédé, et qui bien avant sa naissance ont alerté contre les épouvantes auxquelles nous sommes aujourd’hui confrontés. Ceux-là, André Gorz (1923-2007), Bernard Charbonneau (1910-1996), ont par avance annoncé et caractérisé la position qu’il défend aujourd’hui : technofasciste, écofasciste. Voyez vous-même :

« Les limites nécessaires à la préservation de la vie seront calculées et planifiées centralement par des ingénieurs écologistes, et la production programmée d’un milieu de vie optimal sera confiée à des institutions centralisées et à des techniques lourdes. C’est l’option technofasciste sur la voie de laquelle nous sommes déjà plus qu’à moitié engagés. » (André Gorz, Ecologie et liberté, 1977)

« En dépit des apparences, l’écofascisme a l’avenir pour lui, et il pourrait être aussi bien le fait d’un régime totalitaire de gauche que de droite sous la pression de la nécessité. En effet, les gouvernements seront de plus en plus contraints d’agir pour gérer des ressources et un espace qui se raréfient. Une comptabilité exhaustive enregistrera, avec tous les coûts, les biens autrefois gratuits qu’utilise l’industrie industrielle et touristique. La mer, le paysage et le silence deviendront des produits réglementés et fabriqués, payés comme tels. Et la répartition de ces biens essentiels sera réglé selon les cas par la loi du marché ou le rationnement que tempèrera l’inévitable marché noir. La préservation du taux d’oxygène nécessaire à la vie ne pourra être assurée qu’en sacrifiant cet autre fluide vital : la liberté. Mais, comme en temps de guerre, la défense du bien commun, de la terre, vaudra le sacrifice. Déjà l’action des écologistes a commencé à tisser ce filet de règlements assortis d’amendes et de prison qui protègera la nature contre son exploitation incontrôlée. Que faire d’autre ? Ce qui nous attend, comme pendant la dernière guerre totale, c’est probablement un mélange d’organisation technocratique et de retour à l’âge de pierre. » (Bernard Charbonneau, Le Feu vert, 1980, éd. Parangon pour l’édition 2009)

Ceci dit, on n’est pas spécialement querelleurs, on ne lance que des mots et on continuera à acheter Charlie Hebdo chaque semaine. La dernière fois qu’on a pris la peine de se mettre en rogne, c’était il y a 15 ans, à l’occasion d’un « reportage » calamiteux d’Antonio Fischetti, le chroniqueur scientifique de Charlie, sur les nanotechnologies à Grenoble. A (re)lire ci-dessous (et ici).

NOTES

(1) Cf. "La technocrature jette le masque", 14/07/21
(2) Voir l’excellent reportage de F. Nicolino sur la raffinerie de Donges dans le même numéro, avec les excellentes illustrations de Riss.
(3) Cf. « Leurs virus, nos morts », mars 2020

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