Un animateur de radio faisait récemment remarquer que les Français était le seul peuple à s’être donné un surnom péjoratif : franchouillard. On ne sait si le fait est vrai, il n’en reste pas moins que l’auto-dénigrement est un trait national de plus en plus accusé. Allez, dites-le, faites un effort, poussez, poussez : "J’ai hoooooonte de la France". Bravo. Bel étron. Il en est tant qui, se pliant au conformisme dominant, préfèrent avoir honte de leur pays qui n’en peut mais, plutôt que d’eux-mêmes. En fait, ces soi-disant honteux sont pétris de fierté. Ils sont fiers de leur honte, et en tirent un surplomb moral et politique sur ceux qui n’ont pas honte. C’est la fierté des renégats.

Voici un Belge qui n’a pas honte des Français ni de la France, et qui explique pourquoi.

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Devoir d’insolence : nique les bobos

Source : http://ragemag.fr/devoir-insolence-nique-les-bobos-inrocks/

Publié le 11 décembre 2012 | par Galaad Wilgos

Le ronflant hebdomadaire de la rebellitude conforme et satisfaite, le dénommé Inrocks, vient de récemment publier une pétition en faveur de Saïd Bouamama et Saïdou de ZEP. Ces derniers ont été attaqués en justice par l’AGRIF, une association d’extrême-droite bornée par un horizon antiraciste assez loufoque qui consiste à attaquer uniquement le racisme anti-blanc ou la « christianophobie ». Ayant déjà perdu plus de cinq procès contre Charlie Hebdo, elle n’en démord néanmoins pas. En cause dans ce cas-ci, une chanson, au titre très fin au demeurant (Nique la France), et au délicat refrain qui suit : « Nique la France et son passé colonialiste, ses odeurs, ses relents et ses réflexes paternalistes / Nique la France et son histoire impérialiste, ses murs, ses remparts et ses délires capitalistes. »

La pétition, en somme, pourrait se résumer à ceci : les paroles de la chanson sont justifiées, elles ne font que dénoncer les scandales d’une République qui ne tient pas ses engagements, et puis d’ailleurs Aragon l’a fait donc pourquoi pas eux ? En plus, sachez-le, ce sont les premiers concernés qui font foi de les réprimander, et c’est pour cela que cela en perturbe certains : « cela dépasse, choque et insupporte qu’une telle parole puisse être portée, d’autant plus quand elle l’est par ceux qui subissent en premier lieu les politiques racistes et antisociales. » Et eux de citer une ribambelle d’artistes et de « militants » tels que NTM, Sniper, Ministère AMER, Monsieur R, La Rumeur, Youssoupha ou Houria Bouteldja comme autant de preuves de l’injustice.

Une chanson rythmée par la haine

Avant de juger du fond de l’affaire, il est bon d’aller lire les paroles de la chanson en question. En effet, si l’on croit le texte de la pétition, l’on ne peut qu’applaudir des deux mains devant une telle initiative : « Comme des millions de gens à travers le globe ces dernières années, les deux auteurs ont attaqué le colonialisme et le système capitaliste et impérialiste. » Une chanson anticapitaliste, quoi de mieux pour plaire à la conscience simplette du gaucho de base que je suis ? Qui oserait douter de la bonne parole de ces fiers chevaliers du travail ? Et pourtant, ce n’est pas uniquement ce que l’on trouve dans cet « hymne rouge ». Une simple lecture en diagonale permet de remarquer un antipatriotisme échevelé, une focalisation sur le racisme venant des Blancs (ou « bidochons ») et visant les « Noirs et les Arabes », et quelques insultes au passage à l’égard de Caroline Fourest.

« Il est tout aussi impossible de rester stoïque devant cette catastrophe ambulante de magazine que l’on nomme Inrocks qui, loin de simplement défendre la liberté d’expression, poursuit un agenda idéologique. »

C’est alors que l’on voit s’esquisser une certaine cohérence, un alliage d’un vague anticapitalisme et d’un antiracisme multiculturaliste forcené, et une vision du monde où la faute est à imputer quasi-uniquement à la France et aux « beaufs ». Ceci rappelle de sinistre mémoire les indigents Indigènes, ces experts de la rhétorique roublarde, loqueteux d’une gauche sans cervelle qui semble uniquement préoccupée par une domination fantasmée d’un groupe ethnique sur un autre. Ceci rappelle surtout que les diversitaires aujourd’hui ont de gros soutiens parmi les rappeurs. On se souvient ainsi de la chanson de Kery James, Lettre à la République, où une vision à peu près identique était présentée : sur une rythmique endiablée et entraînante, un flow dévastateur servait des propos de comptoir repeints d’un exotisme qui flatte si bien les mauvaises consciences.

Néanmoins, rappelons tout d’abord qu’il est hors de question de s’allier ne serait-ce que temporairement avec les raclures puantes des bidets inondés de l’extrême-droite. On connait les racines de leurs obsessions, et leurs illusions sur la nature de la France. Une France du sang, de la race et de la religion, qui fait voir cette France à toute une constellation de nervis excités comme un terrain de croisade d’où devrait être exclue la moindre différence, la moindre pigmentation un peu trop foncée. Ils confondent patriotisme et nationalisme, on y reviendra. Cela étant dit, il est tout aussi impossible de rester stoïque devant cette catastrophe ambulante de magazine que l’on nomme Inrocks qui, loin de simplement défendre la liberté d’expression, poursuit un agenda idéologique.

Les Inrocks, quezaco ?

Inrocks, c’est avant toute chose le joujou de l’affairiste jeune et branchouille Matthieu Pigasse. Ancien élève d’Alain Minc, c’est pour reprendre les doux mots d’un de ses anciens amis, « un concentré de Minc et de Messier », « d’une duplicité complète, d’un cynisme sans égal » et qui détient Le Monde afin de « servir sa propre ambition ». De ce fait, la ligne éditoriale suit rigoureusement les rigoles infâmes qui coulent de cette débordante benne à ordures. Pigasse, bourgeois ultime, est un prédateur qui concentre toutes les immondices des époques. Quand le pire de l’austérité protestante de papa fusionne façon Dragon Ball Z avec le pire du libertarisme libéral post-soixante-huitard, vous avez ce fringant « révolutionnaire », sorte de moine rock’n’roll de la finance. Et c’est le souffle d’une telle bête qu’insuffle le jeune milliardaire au magazine, comme une puissante bourrasque émanant d’une déchetterie colossale.

Tous les thèmes en vogue en coolocratie s’y retrouvent abordés, toutes les inconvenances de la mutinerie de Panurge et toutes les formes de révoltes des élites de la gauche-circonflexe possibles et imaginables : apologie de la culture sex, choc & toc, mépris rigolard du sale peuple ou antifascisme de salon, tout y passe ! Le « Télérama des petits bobos » (PLPL) ne se prive pas de faire un peu de publicité pour de la camelote à trois chiffres minimum. Pour être cool, il n’y a pas trente-six façons : un portefeuille dont l’épaisseur est inversement proportionnelle à l’esprit, un dictionnaire de franglais et quelques repères stylistiques pour ne pas avoir l’air d’un plouc lors de réunions avec Jean-Charles et Marie-Chantal. Avec les Inrocks, le parler Van Damme devient swag, et c’est à grand renfort d’anglicisme que l’on se divertit à donner des conseils de tourisme ecofriendly ou de mode ultrageeky.

Il faut rappeler tout cela afin de mettre le contexte derrière une telle pétition. Les Inrocks, c’est l’impertinence à deux balles, l’insolence qui ne trouble rien et encore moins les nantis, lectorat friand de branchitude élitiste. On n’y verra jamais une quelconque insolence à l’égard des actes de son propriétaire richissime, de son assaut des grands médias à la façon dont il est devenu de manière si fulgurante le bras droit de Mammon. Certes, cela ne l’empêche pas de tenter de récupérer quelques figures de radicalité, mais la réponse prend généralement la forme d’un solide soulier dans le cul, de Bourmeau et Bourdieu jusqu’à Conte et Scheuer. En définitive, loin de déranger l’établi, cette officine du « capitalisme de séduction » est un appui de taille dans la bataille culturelle menée par les libéraux-libertaires.

Contre le repli identitaire, le patriotisme républicain

Force est de noter que la haine de la France fait le jeu d’une certaine droite. De la même manière qu’à la gauche pure et molle semble répondre une droite dure et folle, contre les diversitaires tant vantés par les Indivisibles ou les Indigènes de la République se créent de nouvelles oppositions identitaires. L’on devrait dès lors choisir son camp : PS ou UMP, diversitaires ou identitaires, la politique se résumant désormais à un pile ou face hasardeux. En l’occurrence, il est d’autant plus insupportable de voir une telle opposition caricaturale que l’on pourrait en vérité accepter certaines des attaques du couple attaqué, et dire nous aussi que nous détestons cette France-là, celle du colonialisme, de l’esclavage ou du capitalisme. Mais comment résumer la France à cette France ?

La patrie est ainsi une « communauté des affections » (Saint-Just) qui substitue la fraternité à la fratrie et qui permet d’échapper au biologique au profit du politique.

En effet, il est utile de se remémorer que la France n’a pas été uniquement ce monstre oppresseur et colonialiste. L’on pourrait même dire qu’en ce qui concerne les abominations, la France s’en sort relativement bien quand on la compare à d’autres grandes nations. Le colonialisme a été vivement critiqué depuis le début, et sous la IIIe République l’on trouvait un Clemenceau résolu pour s’opposer aux délires d’un Jules Ferry. Le peuple français, opprimé par les mêmes qui opprimaient d’autres peuples, a pourtant été des premiers à politiquement s’insurger contre l’esclavage, en témoignent les doléances des humbles de Champagney. Et, alors que les États-Unis d’Amérique démontraient quotidiennement un racisme anti-Noir systématique d’une férocité incroyable, la France révolutionnaire abolissait l’esclavage et faisait entrer pour la première fois au parlement un homme noir, Jean-Baptiste Belley, élu en 1793 par la colonie de Saint-Domingue.

Il existe un dicton très populaire aux États-Unis : « right or wrong, my country ». Contrairement à ce que l’on pourrait croire, une telle phrase n’indique pas que l’on accepte toutes les saloperies commises au nom de son pays, mais bien que tout en en critiquant les fautes, on reste conscient que cela reste son pays. Le patriotisme a été depuis de nombreuses décennies conspué, amalgamé au chauvinisme ou au nationalisme. La première guerre mondiale y est pour beaucoup, elle qui a instrumentalisé le patriotisme sincère des gens simples au profit de la guerre comme l’avait si bien remarqué Bernanos. Pourtant, le patriotisme part de l’idée foncièrement républicaine qu’un individu appartient à une communauté politique, vis-à-vis de laquelle il a des droits et des devoirs. La patrie est ainsi une « communauté des affections » (Saint-Just) qui substitue la fraternité à la fratrie et qui permet d’échapper au biologique au profit du politique. En cela, elle est le meilleur rempart au communautarisme et au racisme, sous toutes leurs formes.

Pour un patriotisme révolutionnaire

Oui, c’est aussi cela la France. Vouloir la « niquer », tel est le programme réel des capitalistes et des grands bourgeois, dont la patrie se résume à leur ordinateur portable et leur compte en banque. Promouvoir une telle vision et la donner en exemple aux couches populaires ne peut que ruiner tout espoir d’opposition à la classe capitaliste notoirement apatride. La pétition semble en effet insinuer qu’avec les malheurs et les dominations touchant le petit peuple, la haine de la France ne serait qu’une très simple et très logique réponse à ces injustices – « Pauvre ou misérable, ton avenir est de haïr ton pays ! ». Avec une telle vision du monde, comment expliquer les actes des masses depuis la Révolution française ? Nos amis gauchistes se rendent-ils compte que c’est aux cris de « Vive la Nation ! » que les paysans-soldats combattirent l’envahisseur à Valmy ? Que la Commune de Paris s’était faite par un petit peuple parisien fièrement patriote, qui réagissait à l’armistice honteux de janvier 1871 ? Quid de la résistance nationale au nazisme ? Jaurès lui-même combattait le chauvinisme belliqueux au nom de ce patriotisme qui « ramène à l’Internationale » !

En vérité, comme le dit Marcel Gauchet, le citoyen, auparavant, « se devait à sa collectivité. C’est ce qui s’exprimait dans le patriotisme : “Je dois quelque chose à la communauté par laquelle je suis quelqu’un.” Les individus revendiquent aujourd’hui une relation exactement inverse : “La collectivité me doit tout, et je ne lui dois rien.” La société est en dette perpétuelle vis-à-vis des individus. » C’est cette relation entre individu et collectif qu’a pulvérisée le libéralisme dominant, d’où cette réaction anti-patriote. Être patriote, c’est donc aussi s’opposer à ce paradigme mercantile et utilitariste, où au moindre problème l’on se barre vers des horizons plus favorables. Être patriote, c’est surtout refuser que l’ethnique serve de critère d’identité et admettre que Mohammed qui trime à 7 balles de l’heure dans un McDo n’est pas l’ennemi de Jacques, l’ouvrier smicard, mais son frère et son compatriote. Le patriotisme sert ainsi la lutte des classes, et non le contraire.

Michelet disait dans un admirable livre populiste (Le Peuple) qu’en nationalité « c’est tout comme en géologie, la chaleur est en bas. Descendez, vous trouverez qu’elle augmente ; aux couches inférieures, elle brûle. Les pauvres aiment la France, comme lui ayant obligation, ayant des devoirs envers elle. Les riches l’aiment comme leur appartenant, leur étant obligée. Le patriotisme des premiers, c’est le sentiment du devoir ; celui des autres, l’exigence, la prétention d’un droit. » Tachons de remettre cela au gout du jour, contre l’anti-France, qu’elle prenne la forme d’antiracistes diversitaires ou de nationalistes identitaires, de financiers hyperactifs ou d’européistes frelatés.