Promises à de multiples applications industrielles, les nanoparticules pourraient avoir des effets toxiques qui inquiètent.

Les nanoparticules de dioxyde de titane, utilisées dans de nombreux produits, des peintures aux crèmes solaires, peuvent altérer la barrière hémato-encéphalique qui protège le cerveau des éléments toxiques. Ce sont les conclusions, publiées mercredi 26 octobre, d’une étude conduite in vitro par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA).

Une exposition chronique à ces nanoparticules "pourrait entraîner leur accumulation dans le cerveau avec un risque de perturbation de certaines fonctions cérébrales", précise le CEA dans un communiqué.

Une étude chez le rat avait déjà montré en 2008 qu’après une instillation nasale, des nanoparticules de dioxyde de titane étaient détectées dans leur cerveau, notamment le bulbe olfactif et l’hippocampe, une structure ayant un rôle-clé pour la mémoire.

Les chercheurs ont cherché à savoir comment ces nanoparticules pouvaient se retrouver dans le cerveau qui est protégé des éléments toxiques par une structure particulière : la barrière hémato-encéphalique.

INFLAMMATION CÉRÉBRO-VASCULAIRE

Des équipes du CEA et de l’université Joseph-Fourier de Grenoble ont reconstitué un modèle cellulaire de cette barrière protectrice, associant des cellules endothéliales (cellules de la paroi des vaisseaux sanguins), cultivées sur une membrane semi-perméable, et des cellules gliales (pour le système nerveux).

Grâce à ce modèle présentant les principales caractéristiques de la barrière hémato-encéphalique existant chez l’homme, les chercheurs ont mis en évidence qu’une exposition in vitro aux nano-TiO2 entraîne leur accumulation dans les cellules endothéliales. Il en résulte aussi une rupture de la barrière de protection, associée à une inflammation cérébro-vasculaire.

Emilie Brun et ses collègues ont également constaté une diminution de l’activité d’une protéine (P-glycoprotéine) dont le rôle est de bloquer les toxines susceptibles de pénétrer le système nerveux central.

LEMONDE.FR avec AFP | 26.10.11 |

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Communiqué du Commissariat à l’énergie atomique

Les nanoparticules de dioxyde de titane altèrent, in vitro, la barrière hémato-encéphalique

Des chercheurs du CEA et de l’Université Joseph Fourier ont mis en évidence que des nanoparticules de dioxyde de titane (nano-TiO2) altèrent une barrière physiologique essentielle pour la protection du cerveau : la barrière hémato-encéphalique (BHE).

Grâce à leur modèle cellulaire, utilisé par l’industrie pharmaceutique pour tester les candidats médicaments lors d’études précliniques, les chercheurs ont montré qu’une exposition in vitro aux nano-TiO2 entraînait leur accumulation dans les cellules endothéliales cérébrales. Elle est également responsable de la rupture de la barrière, associée à une inflammation, et d’une diminution de l’activité de la P-glycoprotéine, une protéine essentielle à l’élimination des substances toxiques dans les organes vitaux comme le cerveau. Ces résultats sont publiés par la revue Biomaterials, mise en ligne le 24 octobre 2011.

Les nano-TiO2 sont produites à l’échelle industrielle et se retrouvent aussi bien dans des peintures que dans des cosmétiques (protections solaires) ou des systèmes de dépollution (revêtements autonettoyants). Si de nombreuses études in vitro ont décrit leurs effets sur des lignées cellulaires, peu se sont intéressées jusqu’alors au système nerveux central. Pourtant, une étude faite chez le rat a montré que suite à une instillation nasale, des nano-TiO2 ont été détectées dans le cerveau, principalement dans l’hippocampe et le bulbe olfactif[i].

Les chercheurs se sont alors demandés comment ces nanoparticules pouvaient se retrouver dans le cerveau, normalement protégé des éléments toxiques par une structure particulière : la barrière hémato-encéphalique (BHE). Pour répondre à cette question, des équipes du CEA et de l’UJF ont utilisé un modèle cellulaire in vitro qu’ils ont développé pour reproduire cette barrière protectrice. Le modèle développé par ces chercheurs reconstitue la barrière en associant deux types de cellules primaires : des cellules endothéliales (pour le système sanguin), cultivées sur une membrane semi-perméable, et des cellules gliales (pour le système nerveux). Il présente les principales caractéristiques de la BHE in vivo, y compris humaine[ii].

Grâce à ce modèle, les chercheurs ont mis en évidence que l’exposition aiguë et/ou chronique de la BHE aux nano-TiO2 entraîne une accumulation de ces nanoparticules dans les cellules endothéliales. Elle altère également sa fonction protectrice, d’une part en rompant la barrière et d’autre part en diminuant l’activité de la P-glycoprotéine, une protéine présente dans les cellules endothéliale et dont le rôle est de bloquer les toxines susceptibles de pénétrer le système nerveux central.

Ces résultats suggèrent que la présence de nano-TiO2 pourrait être à l’origine d’une inflammation cérébro-vasculaire. Ils suggèrent également qu’une exposition chronique, in vivo, à ces nanoparticules pourrait entrainer leur accumulation dans le cerveau avec un risque de perturbation de certaines fonctions cérébrales.

[i]Wang, 2008

[ii]Mabondzo et al., 2010, Lacombe et al., 2011