Nous avons introduit la notion de société de contrainte, au dernier chapitre de Terreur et possession (1), pour caractériser une phase nouvelle dans l’organisation rationnelle – technologique -, de l’ordre public : Le pancraticon ou l’invention de la société de contrainte. Extension du panopticon, le pancraticon est un dispositif de quasi-omnipotence sur les êtres et le monde. Un techno-totalitarisme quasi-divin, si le divin est vraiment ce tout-puissant dont nous parlent les prêtres. L’étymologie du mot est transparente : Pan, tout ; cratos, la force, le pouvoir – voyez le pancrace, cette lutte où toutes les prises, tous les coups, sont permis.

Quant à la contrainte, nous n’entendons par là ni plus ni moins que le Robert et le Dictionnaire étymologique du français. Nous ne jouons pas sur les mots. Nous ne prétendons pas les « redéfinir » afin de duper les naïfs, c’est-à-dire les falsifier en les infiltrant d’acceptions floues, retorses, paradoxales, tronquées ou si larges au contraire qu’elles ne définissent plus rien. Nous nous plions au langage exact et commun afin de partager, autant que possible, une représentation exacte et commune de perceptions communes. Tenant pour acquis que si chacun voit midi à sa porte, cette vision, quoi qu’on raffine et singularise, est commune pour l’essentiel et particulière pour l’exception et le secondaire. Et voilà pourquoi le soleil de Rimbaud, de Van Gogh ou des Lakotas, brille aussi pour nous, quand bien même chacun le voit de son seuil. Et donc :

Contrainte. Nom féminin dérivé au XIIe siècle du verbe contraindre pour signifier 1) une violence exercée contre quelqu’un, une entrave à la liberté d’action. 2) Une règle sociale, morale, obligatoire. Le mot vient d’une racine Indo-européenne *streig- « serrer », d’où stringere en latin, strictus, constringere « lier étroitement ensemble » ; constrictio « resserrement » et constrictius, qui resserre, tel le boa constrictor.

C’est cela. C’est exactement cela. Serrer, resserrer, lier étroitement en un filet constricteur. En vain aurions-nous cherché un mot plus apte à nommer les nouveaux modes d’organisation de l’ordre public. (...)

(1) Terreur et possession. Enquête sur la police des populations à l’ère technologique, Pièces et main d’oeuvre (2008, éditions l’Echappée)

Ce texte a été publié in :
 Michel Weber et Ronny Desmet (sous la direction de), Chromatikon VII. Annales de la philosophie en procès — Yearbook of Philosophy in Process, 2011, pp. 161-168. (250 p. ; ISBN 978-2-930517-30-8)

(Pour lire le texte intégral, cliquer sur l’icône ci-dessous.)