Camarades,

Nous avons bien reçu votre « appel syndical aux organisations progressistes de l’Isère », co-signé par la FSU, l’UNSA, Solidaires, l’UNL, l’UEG, l’Unef, et nous invitant à ratifier d’ici mercredi 28 avril à midi un texte au titre original et prometteur : « Plus jamais ça ! Construisons ensemble un futur démocratique, écologique, féministe et social ».

Nous voulons croire qu’il ne s’agit pas d’une erreur d’envoi et nous vous remercions de cette courtoisie, n’ayant pas l’habitude d’être classés parmi les « organisations progressistes de l’Isère ».
Et en effet, nous revendiquons quant à nous notre opposition radicale au progrès de la Machine techno-industrielle qui broie le monde et les hommes depuis 200 ans, nous réduisant à cette « urgence sociale et écologique » invoquée dans votre texte.

A cet égard, nous vous le disons nettement : toute chance d’un avenir quelconque, et a fortiori « démocratique, écologique, féministe et social », exige non seulement le renversement du capitalisme « financiarisé » ou productif (« l’économie réelle »), ainsi que vous le souhaitez, mais surtout le démantèlement de la « Machinerie générale » (Marx) à l’échelle mondiale et locale.
Nous ne voulons pas, nous, Pièces et main d’œuvre, remplacer le capitalisme par la technocratie ; ni les actionnaires privés par l’Etat et/ou par les directeurs, cadres, ingénieurs et scientifiques ; ni la droite par la gauche.
Nous refusons donc votre revendication visant à soustraire « les secteurs essentiels à la vie de la population (…), l’eau, le gaz, l’électricité (…) des mains des capitalistes pour en faire de grands monopoles publics. » L’industrialisme – libéral ou communiste -, la grande organisation, la planification d’ensemble et centralisée, non merci.
Notre survie réside au contraire dans le démantèlement de la société industrielle et l’abolition de l’appareil d’Etat, dans la décroissance, la réappropriation des savoir-faire artisanaux et paysans, à taille humaine et à l’échelle locale.

Nous ne discuterons pas davantage ici le contenu d’un texte encore sous embargo ; nous nous permettons pour l’heure de vous renvoyer aux enquêtes que nous avons publiées depuis 2001, et dont « les progressistes de l’Isère » ont souvent entendu parler, même quand ils ne les ont pas lues. Enquêtes qui annonçaient avec une justesse qui nous trouble nous-mêmes, les événements actuels (voir "Leur virus, nos morts" et "Le virus de la contrainte").

Vous nous informez d’autre part d’une rencontre de votre intersyndicale le 28 avril pour « finaliser la programmation de la journée du 1er mai ».
Nous avons des propositions à ce sujet. Peut-être avez-vous lu la lettre d’un camarade que nous avons publiée, appelant à un 1er mai dans la rue ? Sinon, c’est ici : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=1272

Nous estimons révoltant et déshonorant que des organisations se réclamant à qui mieux-mieux de la Résistance et de la Révolution, se soumettent à des mesures de réclusion qui ne sauvent pas plus de vies qu’en Suède, où elles n’existent pas.
Nous vous proposons donc de faire ce que « les folles de la place de Mai » ont su faire dans les conditions bien plus terribles de la dictature militaire argentine, à la fin des années 70, et d’appeler les Grenoblois à une dérogation légale de leur confinement, afin de venir tous prendre de l’exercice et faire leurs courses de première nécessité au même endroit, à la même heure, ce 1er mai.
Naturellement, ils respecteraient la distanciation physique, le port du masque et déambuleraient pendant une heure sur cette place de Mai que nous vous laissons le soin de désigner, à l’instar des mères argentines. Pour une autre chorégraphie, voir la manifestation (2000 personnes) pour la démocratie organisée en plein confinement par les Israëliens le 19 avril 2020 à Tel-Aviv (ici).

Nous faisons confiance à la créativité de chacun pour agrémenter son masque ou sa tenue des inscriptions et des accessoires qui lui paraîtront pertinents.

Dans l’attente de votre réponse positive,
Salutations anti-industrielles,
Pièces et main d’œuvre
Le 25 avril 2020

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