Nous avons reçu de Dom, militant grenoblois, quelques réflexions après une réunion organisée le 19 mai 2020 par des syndicats et organisations de gauche. Dom souhaite faire partager son texte, le voici (à ouvrir en bas de page, sans les annexes, trop lourdes), précédé de notre réponse.

***

Bonjour à tous,
Merci à Dom pour l’envoi de ce compte-rendu de réunion, et pour les réflexions qu’elle lui a inspirées, à lui et à ses amis. Voici une réponse qu’on tâche de faire la plus courte possible.
Voici belle lurette que nous, Pièces et main d’œuvre, ne nous soucions plus de nous faire entendre de vive voix dans ces foires d’empoigne que sont généralement les assemblées générales et réunions « unitaires » de la gauche, extrême et/ou modérée. On ne s’incruste pas. On ne gueule pas plus fort que les autres. On n’intrigue pas en coulisse. On ne reste pas les derniers à la réunion pour l’emporter à l’usure. C’est trop fatigant.
Nous n’avons pas renoncé à nous faire entendre (un peu) par nos enquêtes, diffusées par voie électronique et sous forme de livres et de brochures papier. Mais évidemment ça fait moins de bruit et ça pèse moins dans les rapports de force que les vociférations de ceux qui ne lisent pas. Ainsi, et puisque c’est d’actualité, nous avons publié en mars - avant les élections municipales - une étude assez nourrie « Retour à Grenopolis », sur la métropolisation de la cuvette grenobloise, ses causes et ses effets, notamment avec la transformation de Grenopolis, en « smart City », en ville-machine télépilotée par la technocratie locale. On imagine que vue la Chine, vu ce qu’on a vu durant ces 50 jours d’épidémie numérique et de tout-virtuel, nos propos paraîtront moins obscurs à certains.

Comme il est question de tenir le second tour de ces élections en juin, et que nombre de personnes présentes à cette réunion du 19 mai, sont impliquées dans une liste ou dans l’autre, nous nous permettons de redonner le lien vers ce texte (ici).
Qui sait. Peut-être que cette fois, elles ne feront pas semblant de ne l’avoir pas lu.

Quant au texte de ta/de votre brochure, nous partageons ta colère et ta révolte - quoique sur un mode lassé et désabusé. Nous ne sommes pas non plus d’accord avec tout. Questions de vocabulaire, d’analyses, etc. C’est la vie. Chacun suit son chemin à travers des expériences, des lectures, des débats (quand il est possible d’en avoir). Nous pensons par exemple que la société industrielle, et non la société capitaliste, est la source majeure de nos maux sociaux et écologiques. Nous refusons quant à nous, avec la même révolte, la Machine bleue, blanche ou rouge. Nous ne voulons pas socialiser Amazon ni STMicroelectronics, nous voulons les fermer.

Comme nous avons eu l’occasion de l’écrire à la CGT, à propos des manifestations du 1er mai. Nous ne souhaitons pas remplacer le capital passif (actionnaires et propriétaires), par le capital actif (cadres et technologues), la bourgeoisie par la technocratie, ni la droite par la gauche.

Cependant, nous retrouvons dans tes démêlés avec les diverses variétés de communistes - et avec leurs courroies de transmission syndicales et associatives - aussi bien des échos du passé que ceux de notre propre expérience.

L’un des premiers reproches qu’ils nous ont fait, c’est le refus, affiché en première page de notre site, de nous qualifier de « collectif », et de nous en tenir à ce que nous sommes : des individus politiques. On nous a fait payer notre indépendance obstinée, mais on s’en fiche ; ce n’est rien à côté de ce qu’elle nous a rapporté.
On connaît leurs slogans : « La discipline fait la force des armées », « l’union fait la force » (des chefs), « Tous ensemble ! Tous ensemble ! Meuh !…Meuh ! » Tant pis. Nous avons choisi la faiblesse et la liberté. Notamment celle de penser et de nous exprimer, plutôt que de militer et répéter à l’unisson.

En cela, nous ne faisons que rejoindre la conclusion de ce merveilleux prolétaire, Panaït Istrati, dans son livre de 1929, Vers l’autre flamme. Après seize mois dans l’URSS. Confession pour vaincus (édition Folio/Gallimard, page 246) :

« Eh bien, oui, je le répète à la face du monde : toute « organisation » ne profite et ne profitera jamais qu’aux organisateurs ! Voilà ce que je veux « conter » encore avant de mourir. Tous ceux qui veulent faire de l’homme la bête d’un troupeau, sont ses assassins. »

Il était bon de le rappeler en ces temps de néo-bolchevisme galopant et de récupération de la nébuleuse anarchiste et autonome, sous couvert d’« anticapitalisme » fédérateur. La tactique des communistes - de quelque obédience qu’ils soient - a toujours été de ratisser large pour tenir serré. Serons-nous aussi bêtes qu’en 1917 ?

Pardon pour ces longueurs - mais c’est bien la première fois depuis des années que nous nous exprimons sur une liste de discussion interne.

Amicalement,
PMO

(Pour lire le texte de Dom ; ouvrir le document ci-dessous.)